Le « Brexit » serait-il une catastrophe pour le Royaume-Uni ?

Il n’y a eu dans l’histoire britannique qu’un seul référendum portant sur le maintien britannique dans la Communauté économique européenne, mais c’était il y a plus de quarante ans (en juin 1975, avec une réponse finalement positive à 67,2 %). Il n’y a eu dans l’histoire de l’Union européenne (UE) qu’un seul « exit », celui, très particulier, du Groenland, en 1985, mais dont la portée historique a été pour le moins limitée.

La première question que l’on peut se poser est celle de la probabilité du « Brexit », indépendamment des sondages actuels. Si l’on se limite à une analyse « rationnelle », la peur du saut dans l’inconnu et la pression en faveur du statu quo devraient a priori l’emporter, comme l’exemple du Québec l’a montré dans les années 1990.

L’argumentaire en faveur du maintien dans l’UE met en avant, premièrement, le caractère peu réversible, voire irrévocable, du « Brexit », alors qu’en cas d’insatisfaction il y aurait toujours la possibilité de renégocier le nouvel accord, signé le 19 février.

Gains assez ténus

Deuxièmement, le risque de voir l’Ecosse (presque 8 % du PIB du royaume) demander un nouveau référendum sur son indépendance, une victoire du oui créant une nouvelle vague d’incertitudes concernant la future monnaie de l’Ecosse, la répartition de la charge de la dette, le partage des réserves d’hydrocarbures de la mer du Nord, le financement des fonds de pension… (la question pourrait aussi se poser pour l’Irlande du Nord, voire le Pays de Galles !).

Troisièmement, la difficulté et la longueur de la renégociation d’accords commerciaux avec l’UE, les autres zones et pays partenaires, qui plongeraient l’économie britannique dans une forte incertitude pendant de longs mois, voire des années.

Quatrièmement, la faible capacité qu’aurait le pays de peser sur les choix européens stratégiques futurs. Par rapport à ces incertitudes, les gains d’un « Brexit » (souveraineté accrue, moindre contribution au budget communautaire, élimination de la « technocratie » européenne…) devraient apparaître assez ténus.

Coût réel d’une sortie de l’UE

Mais face à cet argumentaire « rationnel », il faut tenir compte de facteurs purement émotionnels, comme l’impact de la crise des migrants ou des attentats terroristes, qui pourraient jouer à l’encontre du maintien dans l’UE.

La seconde question à se poser est celle du coût réel d’une éventuelle sortie de l’UE pour l’économie britannique. Nous sommes ici en bonne partie en territoire parfaitement inconnu. Beaucoup dépendrait du temps et du contenu de la transition vers de nouveaux accords commerciaux avec l’UE et avec les autres grands partenaires (Etats-Unis, Chine…) et des incertitudes éventuelles que cela générerait, comme on l’a évoqué plus haut, notamment sur l’investissement domestique et étranger.

Il y a aussi de nombreux points d’interrogation sur un éventuel impact négatif d’un « Brexit » sur la City et, plus généralement, sur les services financiers en Grande-Bretagne, dont ils représentent environ 30 % du produit intérieur brut (PIB). Mais la City est la seule véritable place financière globale d’Europe. Cela tient à la taille et à la grande diversité des acteurs et des opérations, ainsi qu’à d’autres facteurs (langue, cadre fiscal et juridique, infrastructures de marché…). Or, ceux-ci sont peu réversibles, et faiblement affectés par la participation formelle du royaume à l’UE.

Flexibilité

On peut même être perplexe face aux discours négatifs, voire catastrophistes, qui sont tenus en Europe continentale à propos des conséquences à long terme d’un éventuel « Brexit » sur le Royaume-Uni.

Ces discours sous-estiment la capacité d’adaptation de cette économie, grâce notamment à sa forte flexibilité. Rappelons les discours enflammés qui étaient tenus au début des années 1990 sur le coût qu’aurait à subir le Royaume-Uni en cas de non-participation à la future monnaie unique. Or, depuis fin 1992 (date de la sortie de la livre sterling du système monétaire européen), le PIB réel britannique a progressé de 68 %, celui de la zone euro de 42 %…

Jean-Pierre Petit, economiste et président de la société de conseil Les Cahiers verts de l'économie.

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