Le commerce des produits « verts », allié du climat ?

Dans à peine trois mois s’ouvrira à Paris la conférence sur le climat (COP21). L’objectif est connu de tous : limiter le réchauffement planétaire à +2°C. Mais il reste encore du chemin à parcourir pour passer d’une logique de contrainte à une approche véritablement économique, exploitant pleinement le potentiel mondial d’innovation, et favorisant leur diffusion avec l’accélération du commerce de biens et services environnementaux.

Pour minimiser le coût de la transition climatique, il faut cibler les produits « verts » les plus abordables et accélérer leur développement. Lapalisse l’aurait dit : pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au coût le plus bas possible (voir le rapport « Transition par l’Innovation »), il faut inventer des solutions les plus abordables possibles, c’est-à-dire celles ayant le coût par tonne de CO2 évitée le plus bas. Mais cela ne suffit pas car beaucoup de technologies très abordables sont encore peu développées.

Ainsi, la Chine pourrait réduire ses émissions de 2 % à 6 % en adoptant des « bonnes pratiques » utilisées ailleurs en matière de production et d’utilisation des engrais (« New technologies reduce greenhouse gas emissions from nitrogenous fertilizer in China », Proceedings of the National Academy of Sciences, May 2013). Il en va de même pour de nombreux produits : deux-roues électriques, processus industriels… Ce qui freine le développement de ces technologies, ce ne sont pas des motifs économiques : leur rapport coûts/bénéfices est bon.

Le coût par tonne de carbone évitée

En revanche, plusieurs freins à leur adoption doivent être levés. Le premier d’entre eux, c’est souvent la méconnaissance des meilleures technologies disponibles dans un domaine donné : les clients potentiels ne connaissent pas les produits qui pourraient leur procurer les économies les plus fortes.

Le deuxième frein tient à l’opacité des critères retenus par les gouvernements pour favoriser ou non certaines technologies : ces critères étant souvent peu économiques, ils ne favorisent pas particulièrement les solutions les plus avantageuses.

Plutôt que de privilégier a priori certaines technologies ou d’en condamner d’autres, il serait préférable d’adopter une approche plus économique : technologiquement neutre, mais focalisée sur un critère simple et prévisible, le coût par tonne de carbone évitée. En pratique, c’est rarement le cas : des solutions très abordables (comme la reforestation qui propose des projets à des coûts de l’ordre de 10 euros/tonne de CO²) cohabitent avec des projets qui le sont moins (certaines formes de biocarburant atteignent 1 000 euros/tonne de CO² évitée).

Pourtant, l’approche visant à prioriser par le coût moyen par tonne de CO² évitée peut s’appliquer à de nombreux autres domaines : les tarifs de soutien aux renouvelables, les projets du grand emprunt, les normes de construction ou les décisions de soutien au crédit export…

L’ouverture du commerce de produits « verts »

Le troisième frein est celui des barrières au commerce international de produits « verts ».

Certains rejettent par avance l’accélération du commerce mondial, en affirmant que le transport est en soi condamnable car émetteur de CO2. C’est doublement inexact. D’abord, le commerce international est réalisé à 90 % par voie maritime, moyen le plus économe en CO² à ce jour. Transporter une tonne de marchandise sur 1 000 kilomètres émet une demi-tonne de CO2, pour un coût environnemental de 25 euros (c’est à dire, la dépense qu’il faudrait effectuer pour compenser les émissions). Sur la même distance, le transport maritime n’émettra que 25 kg de CO2, pour un coût de l’ordre d’un euro.

En outre, ce qui compte, ce sont les émissions sur l’ensemble de la vie des produits, la distance séparant le lieu de production et le lieu de consommation n’étant qu’une variable parmi d’autres. Or, par exemple, il est plus efficace du point de vue climatique de consommer des tomates acheminées par bateau et produites au Maroc que des tomates cultivées en France dans des serres chauffées puis transportées en brouette !

Enfin, le commerce international ne se restreint pas aux biens matériels. Grâce à une réduction des barrières douanières et non-douanières, les services, les procédés de production et les technologies « vertes » circuleront également plus rapidement.

Négociations sur le commerce des produits environnementaux

Actuellement, dix-sept membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) négocient sur le commerce des biens et services environnementaux. Les discussions portent sur près de 650 biens et services comme les éoliennes, les filtres pour traitements des eaux ou les services de consultants relatifs à la gestion des eaux usées.

L’objectif final est la réduction, voire la suppression, des droits de douane qui pèsent sur ces produits et services. Ils s’élèvent en moyenne à 9 % mais peuvent atteindre près de 40 %. Lever les barrières aux échanges sur ces produits contribuera à réduire les émissions de CO² sans que cela ne nécessite de subventions.

Le sujet n’est pas négligeable : les échanges de biens et services « verts » représentent entre 10 % et 15 % de l’ensemble des exportations européennes, une proportion qui ne cesse de progresser malgré la crise. Il faut enfin noter que l’existence d’un tel accord ne remettrait pas en cause l’application de mesures antidumping (même si des doutes existent sur les panneaux solaires). La lutte contre le réchauffement climatique entraîne souvent son lot de craintes et de scepticisme, exprimés autant par les acteurs privés (entreprises, consommateurs) que par les organismes publics (ONG, associations, Etat…).

Pourtant, il existe encore des « décisions sans regret », qui contribuent à réduire les émissions à un coût modeste. Le commerce des biens et services « verts » en est une.

Vincent Champain et Adrien Rivierre (Observatoire du long terme)

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