Voici un an, la Russie commençait à bombarder la Syrie. Ces frappes aériennes ont tué plus de 3 500 civils au cours de cette période, soit bien plus que ne l’a fait Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique, EI].
La Russie a pris pour cible des convois humanitaires, des écoles et des hôpitaux. Or les lourdes pertes infligées à la population civile par l’intervention de Moscou servent le recrutement de fondamentalistes, en plus d’envenimer la crise des réfugiés.
En outre, cette situation appuie un régime qui a par ailleurs perdu toute légitimité en commettant des crimes effroyables contre son propre peuple. La communauté internationale doit regarder la vérité en face : ce conflit ne cessera que si Vladimir Poutine et Bachar Al-Assad sont confrontés à de sérieuses menaces.
En septembre, je me trouvais à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies (ONU). Pour moi, il était clair que la Russie et son allié se jouaient de la communauté internationale. Mais les dirigeants de la planète sont restés les bras croisés, pendant qu’Assad annonçait unilatéralement la fin de la trêve pour ensuite intensifier ses attaques contre Alep.
Aujourd’hui encore, la communauté internationale assiste, passive, à l’anéantissement d’Alep, au meurtre d’enfants ainsi qu’aux attaques d’hôpitaux et de travailleurs humanitaires.
L’heure n’est plus à la conciliation
Par son utilisation barbare d’armes aveugles, y compris incendiaires et à sous-munitions, la Russie devient complice de crimes de guerre, comme l’a reconnu le ministre britannique des affaires étrangères, Boris Johnson.
Et pourtant, la Russie, comme le régime de Bachar Al-Assad, continue de commettre des atrocités en toute impunité. La menace crédible d’un recours à la force aurait dû être brandie – de nouveau – depuis longtemps : l’heure n’est plus à la conciliation.
Nous avons d’ailleurs vu, en 2013, comment une telle pression a pu changer la donne du côté russe et du côté du régime, lorsque l’Occident a menacé d’employer la force miliaire pour riposter à l’attaque chimique orchestrée par le régime d’Assad, qui a tué plus de 1 400 civils. Cette approche peut encore fonctionner.
Comme l’a déclaré le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, dans le sillage de l’attaque scandaleuse menée par la Russie contre un convoi humanitaire du Croissant-Rouge syrien en septembre, le moment est venu de retenir au sol les forces aériennes syriennes.
Mais il ne faudra pas compter sur des négociations en toute bonne foi avec la Russie à cet effet : le Kremlin a déjà prouvé à maintes reprises qu’il était disposé à violer des accords et à saboter la crédibilité de la communauté internationale. Le seul moyen de contraindre Moscou et le régime d’Assad à cesser leurs actes meurtriers et illégaux consiste à leur garantir ouvertement que le massacre aveugle de civils entraînera des conséquences qui se traduiront par des représailles militaires limitées à l’encontre de cibles du régime.
Contribuer à une solution politique
Seule la garantie publique d’assurer la protection de la population civile permettra de tenir tête à la Russie. Le comité de l’opposition syrienne et l’opposition dans son ensemble soutiennent depuis longtemps qu’une zone de non-bombardement permettrait d’écarter les attaques aveugles, sauvant par là quelque deux cents vies chaque semaine.
Dans cette optique, les responsables du maintien d’une telle zone déclareraient que le meurtre aveugle de civils entraînerait des conséquences visant à prévenir toute autre violation du droit humanitaire international.
Toute attaque – russe ou émanant d’Assad – dirigée contre des cibles civiles serait ainsi suivie d’une frappe lancée depuis la mer contre une cible du régime syrien. Une telle opération ne nécessiterait aucune troupe au sol ni aucun avion pour contrôler le ciel.
Une zone de non-bombardement contribuerait vraisemblablement à une solution politique, dans la mesure où elle changerait l’évaluation des forces militaires au sol par le régime Assad, forçant ce dernier à négocier une transition politique.
Nous nous attendons à ce que le prochain gouvernement américain intensifie ses efforts afin de dégager une solution politique en Syrie, y compris en exerçant la pression nécessaire sur Assad et sur la Russie pour faire cesser le massacre de civils innocents.
Mesures pratiques
Seulement, l’Europe ne peut pas se permettre de rester sans rien faire en attendant le résultat de l’élection présidentielle aux Etats-Unis. De fait, il en va davantage de son avenir si la crise en Syrie se poursuit. Aussi l’Europe doit-elle ouvrir la voie qui mènera à la résolution du conflit.
Entre autres mesures pratiques, elle peut d’ores et déjà rendre justice pour les crimes de guerre qui se déroulent chaque jour en Syrie. Elle peut également coordonner de vastes plans d’action pour contribuer au redressement d’une future Syrie post-Assad. Cette planification doit impérativement avoir lieu maintenant.
La communauté internationale a payé son inaction au prix fort : une crise mondiale des réfugiés ; une menace terroriste croissante ; la fin du processus politique ; la mort de centaines de milliers de civils. Il ne tient désormais qu’à elle d’affronter la Russie et le régime de Bachar Al-Assad afin d’assurer un processus politique axé sur l’avenir d’une Syrie inclusive et démocratique.
Anas al-Abdah, président de la Coalition nationale syrienne (Traduit de l’anglais par Phibel Verbruggen).