Le désarmement nucléaire ne commence pas avec l’accord Start

Après de longs mois de négociations ardues, les Etats-Unis et la Russie sont finalement arrivés à un nouvel accord. Le traité Start, qui succédera à celui conclu entre les deux pays en 1991, réduira davantage le stock d’armes nucléaires de ces deux pays et, plus important encore, donnera un nouvel élan au processus de désarmement nucléaire.

Pour les Etats-Unis, la cérémonie de signature à Prague dans quelques jours sera l’aboutissement d’une année de discours magistraux qui signalaient le retour des Etats-Unis à ce processus de désarmement, en satisfaisant en même temps une ambition personnelle du président Obama. Selon le New York Times, celui-ci s’était engagé dans les problèmes de désarmement déjà lorsqu’il était étudiant à l’Université de Columbia et le sujet a réapparu «à des moments clés de sa carrière».

Apparemment nous nous trouvons dans un tel moment. Il est difficile de compter le nombre de fois que le président a prêché, durant l’année passée, en faveur d’un monde sans armes nucléaires. Depuis son premier discours à l’étranger, prononcé à Prague, sur la politique étrangère, en passant par la session spéciale des Nations unies à New York, jusqu’au Prix Nobel reçu à Oslo en particulier pour «sa vision et ses efforts pour un monde sans armes nucléaires», c’est devenu le leitmotiv de sa jeune présidence.

Mais ce langage utopique est trompeur. La noble quête du désarmement nucléaire, unissant un grand nombre d’aspirations, n’a rien à voir avec les objectifs de désarmement qui vont être débattus dans le courant de l’année 2010.

Ces mesures sont importantes, voire vitales pour la sécurité internationale, mais ne servent pas directement à éliminer l’arme nucléaire. On ne peut pas non plus les additionner pour en faire une seule cause, car il s’agit de réductions d’armes, de terrorisme nucléaire ou de non-prolifération. Dans chaque cas, les problèmes politiques et techniques sont différents. En réunissant toutes ces mesures dans un seul et ambitieux «ordre du jour nucléaire», on risque la confusion.

La première réussite de l’année, le nouveau traité Start, est un pas modeste qui relance les négociations, mais fait à peine avancer le rêve d’un monde dénucléarisé. Même la Maison-Blanche constate que l’accord est plus important pour avoir rétabli les relations entre les Etats-Unis et la Russie que pour avoir diminué le danger nucléaire. Même si la participation d’autres Etats tels que la Grande-Bretagne, la France ou la Chine entre en ligne de compte, ce ne sera pas pour toute suite. Depuis la fin de la Guerre froide, les armes russes et américaines présentent moins de danger pour la paix et il y a des experts qui leur attribuent encore un rôle dissuasif. Il est peu probable qu’un monde sans armes nucléaires se réalise dans l’immédiat. Comme a dit le président, ce ne sera «peut-être pas de mon vivant».

Deux autres conférences auront lieu ce printemps et traiteront de sujets encore plus difficiles, mais pas de l’abolition d’armes nucléaires. En avril, 40 chefs d’Etat sont invités à Washington pour assister à un sommet visant à combattre le terrorisme nucléaire en améliorant le contrôle et la sécurité des matériaux nucléaires dans le monde. Le lien avec le désarmement est minime; ceux qui croient que ces mesures persuaderont les puissances nucléaires de se débarrasser de leurs armes sont irréalistes.

Le terrorisme nucléaire date du temps où des agents secrets portant des bombes dans leurs valises peuplaient les films d’espionnage et le danger n’a fait que s’élargir depuis que le terroriste type n’est plus associé à un Etat ennemi bien défini. Sans contrepartie visible, ces négociations se font entre gouvernements amis qui partagent leurs ressources et renseignements pour lutter contre les Etats voyous et les terroristes. On espère qu’il en sortira des mesures solides; mais ils n’enlèveront pas une seule bombe de leur stock.

Finalement, en mai aura lieu la huitième conférence de révision du Traité de non-prolifération (TNP). Cette conférence traitera du plus grand danger pour la sécurité mondiale, la dissémination d’armes nucléaires. Tous les discours importants du président Obama au sujet des armes nucléaires se sont concentrés sur l’imminence du danger de prolifération. Il y a 40 ans, le traité faisait partie des négociations sur le désarmement. Le sujet promettait un accord sûr pour assurer que les pays non nucléaires le resteraient tandis que les arsenaux des superpuissances resteraient intouchés.

Ce n’est plus le cas. A présent, il s’agit essentiellement de stopper les ambitions nucléaires de l’Iran et de la Corée du Nord. D’autres pays non membres du TNP qui ont acquis un potentiel nucléaire se trouvent exempts de réprobation internationale, ou de pressions pour signer le traité. Comme si elle voulait confirmer ce point, Hillary Clinton, secrétaire d’Etat des Etats-Unis, dans un discours peu avant la session spéciale du Conseil de sécurité sur la prolifération et le désarmement, a parlé longuement de l’Iran, mais pas du tout de réductions d’armes.

Il est tentant de croire qu’en abordant l’une après l’autre les trois parties de l’«ordre du jour nucléaire» – le désarmement, la non-prolifération et le terrorisme nucléaires –, on accélérera l’élimination de l’arme atomique. Le lien, s’il y en a un, n’est que rhétorique.

Macha Levinson, ancienne directrice du desk russe au World Economic Forum.