Le modèle des pays nordiques est une vraie alternative à l'économie de l'offre

Alors que Hans Christian Andersen a fait rêver des générations de jeunes Européens avec ses contes, le modèle économique des pays nordiques fait rêver les grands. S'agit-il d'un mythe ou d'économies véritablement performantes ?

Aux États-Unis, les partisans d'une économie de l'offre expliquent depuis plus de vingt ans au monde entier qu'un taux élevé d'imposition nuit à la croissance économique et fait baisser le niveau de vie de la population et que les réductions d'impôt sont des stimuli suffisants pour relancer l'activité économique. Les partisans d'une économie de l'offre considèrent que c'est le faible taux d'imposition qui explique le dynamisme américain.

Le débat sur ce sujet s'intensifie également en Europe, surtout depuis que la crise a fait baisser le taux de croissance – déjà faible – des pays de cette zone – et qu'elle a accru le chômage. Les europessimistes utilisent les arguments des partisans de l'offre américains : une baisse de la fiscalité et des dépenses sociales stimulera la croissance. L'argument principal étant que, dans un monde globalisé avec des économies fortement interconnectées, les pays de la zone euro ne peuvent plus se permettre le modèle de protection sociale dont ils bénéficiaient jusqu'alors.

SOUTIEN TRÈS IMPORTANT AUX SERVICES SOCIAUX

Le postulat anglo-saxon est qu'une imposition faible conduit à la prospérité économique. Le ratio entre les recettes du gouvernement (impôts et autres recettes) et le produit intérieur brut (PIB) est en moyenne de 56% dans les pays nordiques. Il est de 47% dans les pays européens à haut revenu comme l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas, alors qu'il est de seulement 32% du PIB aux États-Unis et de 38% dans d'autres pays anglophones tels le Royaume-Uni, l'Irlande, la Nouvelle-Zélande, le Canada et l'Australie.

Les pays nordiques ont gardé un taux d'imposition du capital relativement bas, l'essentiel des recettes provenant de la TVA, de l'impôt sur le revenu et d'autres taxes sur les biens et services. Cette imposition favorable au capital a permis aux pays nordiques d'avoir des taux d'imposition élevés avec des marchés de capitaux ouverts à l'international.

Le ratio des recettes du gouvernement est bien évidemment fortement corrélé au ratio des dépenses publiques. Les dépenses publiques représentent en moyenne 52% dans les pays nordiques, 49% dans les pays européens à haut revenu et seulement 38% dans les pays anglo-saxons.

Les pays nordiques se distinguent par un soutien très important apporté aux services sociaux autres que ceux liés à la santé, tels ceux relatifs à la petite enfance, ce qui permet l'emploi de beaucoup de travailleurs peu qualifiés. Le pourcentage des retraites et pensions est en moyenne de 14,2% dans les pays nordiques, de 16,8% dans les pays européens à haut revenu, de 9,8% dans les pays anglophones et de 7,9% aux États-Unis.

FAIBLE TAUX DE PAUVRETE

Les dépenses consacrées aux politiques en faveur de l'emploi sont en moyenne de 1,2% dans les pays nordiques, 1% dans les pays européens à haut revenu, 0,4% dans les pays anglo-saxons et 0,2% aux États-Unis.

Le système de protection sociale nordique réussit à réduire la pauvreté : le taux de pauvreté est en moyenne de 5,6% dans les pays nordiques alors qu'il est de 9% dans les pays européens à haut revenu, de 12,6% dans les pays anglophones et de 17,1% aux États-Unis.

Ainsi les États-Unis, qui sont un des pays les plus riches si on se réfère au PIB par habitant, ont le taux de pauvreté le plus élevé. Ce qui peut surprendre davantage est que les pays nordiques ont un taux d'emploi de 73,7% de la population active (la Finlande ayant davantage de chômeurs que les autres pays nordiques fait baisser la moyenne du taux d'emploi de l'ensemble de ces pays), alors que les pays anglophones ont en moyenne un taux de 72,7% .

De même, en ce qui concerne le PIB par habitant, les pays nordiques ont des moyennes plus élevées que celles des pays anglophones – même si nous retirons de la comparaison la Norvège (au premier rang en termes de PIB par habitant) et les États-Unis (deuxième du classement) qui sont riches en matières premières.

NOMBRE DE BREVETS TRÈS ÉLEVÉ

Les trois autres pays nordiques (Danemark, Finlande, Suède) arrivent en tête du classement devant les pays anglophones. La situation est la même en ce qui concerne le revenu moyen par habitant : les 20% des salariés les moins bien payés gagnent en moyenne 24 465 dollars (17 864 euros)  dans les pays nordiques et 17 553 dollars (12 817 euros) dans les pays anglophones.

Une fois de plus, les classements montrent qu'il ne fait pas bon d'être pauvre dans un pays anglophone ! Le dynamisme économique des pays nordiques se traduit également par l'excellence technologique de marques comme Nokia et Ericsson.

D'après l'index technologique du Forum économique mondial qui est bâti sur l'innovation, la recherche & développement (R&D) et la technologie (plus cet indice est faible, plus le pays est bien classé), les pays nordiques ont une moyenne de 6 alors que les pays anglophones ont une moyenne de 16,2 et les pays européens à hauts revenus de 24. Le nombre de brevets déposé par habitant est aussi très élevé dans les pays nordiques.

Les performances économiques de ces pays mettent en cause l'europessimisme de beaucoup d'autres pays de la zone euro ainsi que le postulat selon lequel la libéralisation anglo-saxonne est le seul chemin pour retrouver la croissance. Même si les Suédois ont élu en 2006 un parti conservateur libéral à la place du parti social-démocrate, depuis longtemps au pouvoir, et que ce dernier a promis de réduire les prestations sociales, l'État providence suédois a encore de beaux jours devant lui.

Par Cristina Peicuti, économiste, conseillère chez BPCE.

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