Le monologue du président Maduro, un raté du Conseil des droits de l’homme

De même qu’un individu peut avoir un problème avec l’alcool, ainsi les Nations unies – en tant qu’organisation intergouvernementale – ont un problème avec les droits humains. A une nuance près: dans le cas des alcooliques, le problème réside dans un excès de consommation; dans celui de l’ONU, il s’agit plutôt d’un déficit de crédibilité concernant les travaux menés par ses Etats membres au sujet des droits de l’homme.

Et pourtant, ce n’est pas l’envie de surmonter ce handicap qui aura manqué. Pour preuve, Kofi Annan, le précédent Secrétaire général, constatant la perte de crédibilité de la Commission de l’ONU chargée de veiller au respect des droits inhérents à la personne humaine, décida de lancer une réforme qui s’acheva en 2006 par le remplacement de l’ancienne Commission par un Conseil des Droits de l’Homme flambant neuf.

Or, tel un alcoolique qui récidive après un sevrage, le Conseil est frappé par le même discrédit qui avait mené à sa perte l’ancienne Commission. Les dictatures et autres régimes autoritaires y siègent allégrement, se renvoient l’ascenseur le cas échéant, et tentent d’orienter à leur profit, trop souvent avec succès, l’agenda et les résolutions de cette institution.

Le Conseil vient de donner une nouvelle preuve de son handicap en ayant obtempéré à la demande du président du Venezuela, Nicolas Maduro, d’organiser une séance spéciale lui permettant de prendre la parole sans avoir ensuite – comme le dénonce l’ONG UN Watch – à répondre à des questions ou à se soumettre à un débat contradictoire.

Fort heureusement, le président vénézuélien ne put échapper, avant son discours, à une allocution enregistrée du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (absent de Genève), rappelant les manquements du régime vénézuélien, aussi bien à l’indépendance de la justice qu’aux droits de l’opposition et de la presse indépendante.

Il n’empêche, bien des questions et des critiques auraient pu et dû être formulées après le discours de Maduro. Car la répression sévit au Venezuela: les prisonniers politiques se comptent par dizaines et la torture s’y pratique dans plusieurs prisons.

Le principal dirigeant de l’opposition, Leopoldo Lopez, a été condamné à presque 14 ans de prison, alors qu’un des procureurs chargés du procès, Franklin Nieves, vient de fuir le pays pour dénoncer les pressions qu’il avait subies et le caractère infondé des accusations fabriquées par le régime contre Lopez.

La députée d’opposition María Corina Machado fut tabassée en pleine séance de l’Assemblée nationale avant de se voir dépouillée de son mandat par décision arbitraire du président de l’Assemblée, Diosdado Cabello, le numéro deux du régime.

Pour le simple fait d’avoir conspué l’épouse de ce dernier dans un lieu public, une Vénézuélienne de 26 ans, Joselyn Prato, fut agressée, incarcérée 67 jours et obligée – selon ses propres déclarations – à manger des pâtes avec des vers de terre.

Des élus locaux ont à leur tour été inculpés sur la base de charges absurdes et placés en résidence surveillée. D’autres dirigeants politiques ont été interdits arbitrairement de se présenter aux prochaines élections législatives du 6 décembre.

Des journalistes sont actuellement poursuivis en justice pour avoir cité des informations, publiées dans des journaux étrangers, selon lesquelles la justice des Etats-Unis s’intéresse à M. Cabello dans le cadre d’une enquête sur le trafic de drogue.

Rien d’étonnant à ce que le régime vénézuélien soit décrié de partout, et de plus en plus.

Décrié, entre autres, par une vingtaine d’anciens chefs d’Etat et de gouvernement d’Amérique latine et d’Espagne, par le Prix Nobel de la Paix Monseigneur Desmond Tutu, et par le propre Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui ont tous exprimé leur consternation pour les atteintes aux droits de l’homme au Venezuela.

Pour leur part, l’ancien président du gouvernement espagnol Felipe Gonzalez et l’ancien avocat de Nelson Mandela, le Canadien Irwin Cottler, avaient essayé, comme ils en avaient le droit, de se joindre à la défense de M. Lopez, mais furent empêchés par le régime de prendre part au procès.

Mais voilà que, au moment où un groupe de victimes de la répression au Venezuela vient de déposer une plainte auprès de la Cour pénale internationale contre Nicolas Maduro pour crimes contre l’humanité, au moment où le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains, l’Uruguayen Luis Almagro, déplore publiquement l’absence de garanties pour la tenue le 6 décembre d’élections libres et transparentes, au moment où 157 législateurs du continent américain réclament la présence d’organisations internationales crédibles durant ces élections, à ce moment-ci donc, et nonobstant les remarques susmentionnées du Haut-Commissaire de l’ONU, les dictatures et autres régimes du même genre siégeant au Conseil onusien sont parvenus à mettre le président Maduro à l’abri de questions et de critiques suite à son discours.

Fabio Rafael Fiallo, ancien fonctionnaire international.

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