Le néolibéralisme n’est pas assez libéral

Jean-Fabien Spitz, dans une contribution au Monde, s’interrogeant sur les raisons du populisme, dénonce « le dogme selon lequel les libertés personnelles et les libertés économiques sont solidaires ». D’après lui il faudrait dissocier les deux et défendre les premières tout en limitant les secondes, qui causent des dégâts sociaux et font le lit du populisme.

Mais comment justifier cette dissociation ? Si la liberté est un bien en soi, pourquoi devrait-elle s’arrêter aux frontières de la sphère productive, qui est la base de la vie humaine ? Pourquoi devrait-on se référer à un principe dans la vie personnelle et à un autre dans la vie économique ?

Jean-Fabien Spitz remarque que la société néolibérale « se joue entre des partenaires de plus en plus inégaux ». La liberté économique - celle d’entreprendre, de gérer les entreprises, d’embaucher et de licencier - est réservée aux seuls propriétaires, c’est-à-dire actionnaires. Les salariés et les consommateurs en sont exclus. S’ils étaient parties prenantes dans les conseils d’administration, il en irait tout autrement.

Rendre l’économie réellement libérale

Ce qu’il faut reprocher au néolibéralisme, ce n’est pas qu’il libéralise excessivement les pratiques économiques et sociales. C’est au contraire qu’il restreint ces libertés aux seuls possédants, alors que les travailleurs, qui mettent leurs forces et leurs compétences au service de l’entreprise, sont tout aussi responsables de ses succès et de ses échecs que les actionnaires qui risquent leur argent.

Le néolibéralisme n’est donc pas trop libéral : il ne l’est pas assez. Il fonde la liberté sur la seule propriété, alors qu’elle devrait l’être sur la responsabilité de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participent à la production de biens ou de services.

C’est pourquoi lutter contre ses ravages par un surcroît de réglementations, de limitations, de contrôles, d’administration est un contresens. L’essentiel est d’étendre les libertés économiques à tous les acteurs de l’économie, ce qui passe notamment par une cogestion ou co-détermination des entreprises par l’ensemble de ses parties prenantes : actionnaires, salariés, consommateurs.

Loin d’être en avance, les libertés économiques sont au contraire en retard sur les autres libertés. Il est archaïque que la propriété soit encore le seul fondement de la gouvernance des entreprises alors que cette théorie remonte au XVIIIème siècle et qu’aujourd’hui il est reconnu que la productivité et l’innovation relèvent aussi de bien d’autres facteurs. Plutôt que de néolibéralisme, on devrait parler d’archéo-libéralisme !

François Galichet est l’auteur de L’émancipation (Chronique Sociale, 2014)

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