Le 5 octobre, à Atlanta, les Etats-Unis, le Japon et dix pays du Pacifique dont le Canada, l’Australie et le Mexique, ont conclu le plus important accord commercial régional de l’histoire économique, l’accord de Partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, ou TPP).
Après 10 ans d’intenses négociations, l’ampleur de cet accord est tout simplement immense, non seulement en raison du poids économique de ses signataires, avec 40 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et un tiers du commerce, mais aussi parce qu’il recouvre un nombre sans précédent de domaines, des droits de douane à la propriété intellectuelle, en passant par les investissements, les services, et les droits de l’homme et de l’environnement.
Conçu par les Etats-Unis comme une nouvelle arme commerciale contre la menace chinoise, le TTP est clairement annoncé comme le premier accord d’une nouvelle génération de traités fixant les normes pour le commerce mondial au bénéfice des Etats-Unis. Après l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) dans les années 1990, les Etats-Unis sont une fois de plus à l’origine de la définition des règles du jeu du commerce mondial avec le soutien de grandes démocraties qu’ils ont été en mesure de convaincre sur la base d’une approche renouvelée intégrant certaines des demandes pressantes de la société civile en termes de protection du travail et de l’environnement, le tout dans un contexte mondial complexe.
Avec plus de 3 000 accords d’investissement internationaux et près de 600 accords de libre-échange, la production de normes économiques pour l’intégration mondiale et régionale a en effet atteint un nouveau stade.
Transparence et la légitimité : la dernière bataille
Dans le cadre d’une réponse aux évolutions limitées de négociations commerciales multilatérales menées sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une myriade d’accords méga-régionaux de commerce et d’investissement sont en cours de négociation avec le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP), le partenariat économique global régional (RCEP), ou encore l’accord récemment conclu entre le Canada et l’Europe.
De « la coopération réglementaire » à une « convergence réglementaire » plus ambitieuse, ces initiatives questionnent la nature même de la réglementation comme un attribut de l’Etat. À cet égard, les négociateurs du PPT semblent avoir voulu renforcer l’autonomie de l’Etat à réglementer dans l’intérêt public par l’adoption de normes environnementales et sociales exigeantes.
La bataille des règles commerciales n’est pourtant par encore terminée tant l’initiative américaine souffre d’un manque évident de transparence et donc de légitimité. Le texte négocié du TPP n’a pas été rendu publique et les parties à la négociation ont été invitées à traiter tous les documents comme confidentiels pendant encore quatre ans. Il reste en effet au président Obama à gagner le soutien du Congrès ce qui pourrait se révéler particulièrement difficile.
Secret ou transparence
Mais au-delà de la logique politique nationale, se pose une question claire de méthode. Peu importe le caractère sensible du texte juridique, on ne peut pas faire l’éloge de la transparence et de la construction d’un Etat de droit mondial pour le commerce d’une part, et utiliser des techniques de négociation secrètes d’autre part, ce qui de facto condamne les objectifs louables de l’harmonisation des normes.
À cet égard, une leçon fondamentale est à tirer pour les autres négociations de méga-traités commerciaux : il y a bien une place à prendre pour des modèles démocratiques alternatifs pour un développement inclusif, équitable et durable en coopération avec les pays émergents et en développement et non entièrement construit en opposition à leur leadership naissant.
Leïla Choukroune (Professeur de droit international économique et directeur du Centre de Sciences Humaines à New Delhi, Inde, et Faculté de droit de l’université de Maastricht, Pays-Bas)