Le parti indépendantiste écossais n’est pas prêt à un deuxième référendum

Les élections à la Chambre des communes du 12 décembre ont confirmé les spécificités de l’Ecosse. Le Scottish National Party (SNP) a emporté 48 des 59 sièges écossais (contre 35 en 2017). La campagne a été dominée par la perspective d’un deuxième référendum d’autodétermination, afin d’échapper au Brexit (62 % des Ecossais ayant voté contre celui-ci lors du référendum de 2016) et à un gouvernement conservateur dirigé par Boris Johnson. Deux logiques s’affrontent : Nicola Sturgeon, leader du SNP, à la tête du gouvernement écossais, réclame ce deuxième référendum au gouvernement britannique, lequel considère que la question a été réglée en 2014. En l’absence de Constitution codifiée, l’issue dépendra du rapport de force politique.

Le SNP a développé la théorie du « mandat », reposant sur une majorité de sièges au Parlement écossais. En 2012, sur cette base, David Cameron, alors premier ministre du Royaume-Uni, a signé un accord avec le gouvernement écossais pour conférer un cadre légal au référendum d’autodétermination de 2014.

Peu avant le référendum de juin 2016 sur le maintien dans l’UE, le gouvernement écossais a indiqué qu’un changement matériel pourrait constituer un nouveau mandat. Or, à l’issue du scrutin, il a formulé des propositions de compromis qui n’ont pas été prises en compte, au mépris de la coopération instaurée depuis le début de la dévolution en 1999. Ainsi, le gouvernement britannique a choisi les modalités de déclenchement de l’article 50 notifiant à la présidence du Conseil de l’UE son intention de sortir, avant de mener des négociations relatives à cette sortie et d’esquisser les grandes lignes d’une relation future.

Le Parlement écossais a fait connaître son refus à chaque étape, en vain. Le gouvernement écossais a clamé l’attachement de l’Ecosse aux quatre libertés constitutives du marché unique, en particulier la liberté de circulation. Il a imaginé une solution différenciée pour l’Ecosse au sein du Royaume-Uni, mais il n’a jamais obtenu de réponse d’un gouvernement britannique qui a accepté un dispositif propre à l’Irlande du Nord.

Le gouvernement écossais a demandé la dévolution de compétences en matière de commerce international ou d’immigration, se heurtant à une fin de non-recevoir. Pis, le gouvernement britannique a décidé de confier au Parlement britannique certaines compétences rapatriées de Bruxelles lors du Brexit dans les domaines dévolus (agriculture, pêche), pour harmoniser la réglementation britannique. Le SNP dénonce une recentralisation du pouvoir, défendant une dévolution qu’il prétend dépasser.

L’impasse

Face à cette impasse, Mme Sturgeon réclame au gouvernement britannique un transfert de compétences l’autorisant à convoquer un référendum d’autodétermination, afin de laisser les personnes résidant en Ecosse choisir leur avenir. Elle souligne que l’Acte d’Union, issu d’une union négociée entre Anglais et Ecossais en 1707, peut être remis en cause par ses entités nationales. Or, la tradition juridique écossaise repose sur la souveraineté populaire depuis la déclaration d’Arbroath de 1320. Son gouvernement a fait voter une loi réglementant les référendums organisés en Ecosse.

La première ministre écossaise affiche une préférence pour 2020, avant la fin de la période transitoire précédant la sortie de l’UE, dans l’espoir de se soustraire au processus de candidature. Elle se prévaut de la popularité du SNP, qui, depuis le référendum de 2014, est le premier parti d’Ecosse, en nombre d’adhérents et d’élus à toutes les élections. Mais sa véritable légitimité ne pourra être appréciée qu’à l’issue des élections au Parlement écossais de 2021.

Cependant, les obstacles demeurent nombreux. L’opinion publique n’a pas évolué depuis 2014, la proportion de personnes prêtes à voter pour l’indépendance ne dépassant pas durablement 45 %, en dépit du Brexit. Le processus de sortie de l’UE démontre la difficulté à quitter une union pourtant moins intégrée que le Royaume-Uni. Les données économiques sont moins favorables qu’en 2014. Le gouvernement écossais ne peut plus compter sur les hydrocarbures pour financer un Etat indépendant, mais ne souhaite pas les délaisser, tout en misant sur les énergies renouvelables, au risque de brouiller son image. S’il mène des politiques sociales qu’il entend développer dans une Ecosse indépendante, il a dû admettre la nécessité de maîtriser la progression des dépenses pour éviter de creuser le déficit public. Enfin, il a confirmé sa volonté de conserver la livre sterling, ce qui pose la question de l’autonomie de l’Etat indépendant face à son voisin, voire de sa capacité à adhérer à l’UE.

En conclusion, Nicola Sturgeon devra rester pugnace face à l’imprévisibilité du premier ministre et à l’impatience des indépendantistes, notamment en marge du parti. Elle dispose d’atouts, l’unité de façade du SNP, mais aussi l’absence d’usure du pouvoir d’un parti qui gouverne l’Ecosse depuis 2007 avec des principes sociaux-démocrates dont le bilan est mitigé. Mais elle doit tenir compte de la lassitude à l’égard des consultations électorales et référendaires, et de l’impossibilité de prendre des engagements pour une Ecosse indépendante, en raison des incertitudes inhérentes au Brexit.

Autrement dit, le SNP n’est pas prêt à un deuxième référendum, mais il ne peut renoncer à son objectif historique dans un contexte paraissant propice. Se précipiter, au risque d’essuyer une nouvelle défaite, équivaudrait à enterrer le projet, à l’image du Québec. S’affranchir du cadre légal contreviendrait aux principes d’un parti qui s’est gardé de cautionner le référendum catalan. Différer le référendum permettrait toutefois au SNP de continuer à instrumentaliser les entorses à l’équité au sein d’un royaume désuni.

Edwige Camp-Pietrain est professeure de civilisation britannique à l’Université polytechnique des Hauts-de-France (Valenciennes). Elle est l’auteure de L’Impossible Indépendance écossaise ? (Atlande, 2014).

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