Le paysage des interfaces homme-machine que nous connaissons va profondément changer

Si les émotions sont fondamentales dans l’expérience humaine, leur compréhension l’est aussi dans la conception des technologies de demain. Située au carrefour de l’informatique, du big data, de la psychologie et des sciences cognitives, l’« informatique affective » (« affective computing ») a tout pour séduire les jeunes ingénieurs en quête de nouveaux défis.

Ce domaine de recherche interdisciplinaire étudie l’interaction entre technologie et sentiment. Ses applications commencent aujourd’hui à se démocratiser : citons, par exemple, le basique détecteur de sourire des smartphones ou bien les assistants question-réponse Siri, Cortana ou Alexa, bientôt capables de percevoir l’état émotionnel d’un interlocuteur.

De passionnantes possibilités d’applications

Si certaines écoles d’ingénieurs s’intéressent aujourd’hui vivement à ce domaine, c’est qu’il met en jeu les plus récents développements des technologies du numérique, comme le big data ou le « machine learning » (« apprentissage automatique », capable d’extraire de l’information dans des bases de données afin de construire un modèle décisionnel). L’informatique affective recèle ainsi de passionnantes possibilités d’applications.

Longtemps insuffisamment explorées par les sciences de l’ingénieur, les émotions sont devenues l’objet de nombreuses recherches auxquelles l’informatique affective peut apporter son concours. En s’appuyant sur le traitement d’indices émotionnels (expressions faciales, posture corporelle, intonations de la voix) et d’indices physiologiques (rythme cardiaque, activité cérébrale ou électrodermale…), elle vise à donner aux machines une forme d’intelligence sociale qui les rende capable d’adapter leur comportement et de produire des réponses qui les feront paraître plus efficaces ou plus dignes de confiance.

Pour l’élève ingénieur, son enseignement met en jeu des compétences aussi variées que la maîtrise de l’algorithmique, de la programmation, des statistiques, du traitement des images, du langage naturel et du « machine learning ». Elle lui permet aussi d’acquérir l’ouverture d’esprit nécessaire à la conduite de projets interdisciplinaires et au dialogue interprofessionnel. Mentionnée parmi les « 34 technologies à forts enjeux stratégiques » listée par l’institut d’études et de prévisions Gartner en 2016, l’informatique affective va rapidement prendre une ampleur sans précédent.

« Fouille d’opinion »

Grâce à ses applications, le paysage des interfaces homme-machine que nous connaissons va profondément changer. De nombreux projets sont menés en France : dans le domaine de la santé se développent des « jeux sérieux » (« serious games ») destinés à aider les jeunes autistes à décrypter des émotions telles que la joie ou la tristesse. Dans le domaine de la formation, on peut plonger un individu dans un monde virtuel et lui apprendre à manifester les émotions adaptées à sa fonction. L’enseignement à distance est aussi concerné, avec la mise au point d’avatars capables d’adapter leur rythme à l’état affectif et au profil de l’étudiant.

Citons enfin un autre domaine connexe très actif : la « fouille d’opinion » (« opinion mining »), qui cherche à déterminer si le sentiment dégagé par un texte (Tweet, dialogue, discours…) est positif ou négatif, objectif ou subjectif. Elle est aujourd’hui l’un des piliers de la transformation digitale de l’entreprise. Mais elle peut aussi prédire les résultats d’une élection ou le succès d’un film.

Bientôt, nos assistants personnels numériques se transformeront en confidents à qui conter nos états d’âme, en coachs qui nous aideront à préparer nos entretiens d’embauche et accompagneront nos enfants ou nos aînés en difficulté. La technologie est là, il reste à en faire un bon usage.

Lionel Prevost, directeur du laboratoire Learning, Data, Robotics à l’école d’ingénieurs ESIEA.

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