Le peuple iranien attend notre soutien

Ebrahim Raïssi. Credit Vahid Salemi Associated Press
Ebrahim Raïssi. Credit Vahid Salemi Associated Press

L’élection d’Ebrahim Raïssi à la présidence iranienne est un scandale. La montée au pouvoir de celui que l’on appelle « le boucher » à cause de sa responsabilité pour des milliers d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et de cas de tortures, laisse présager des jours sombres pour le peuple iranien. Après plus de quatre décennies d’une théocratie sanguinaire, les souffrances des Iraniennes et des Iraniens convoquent nos démocraties à répondre de façon appropriée à l’affront d’avoir promu comme interlocuteur du monde celui qui devrait être jugé pour crimes contre l’humanité. Il est nécessaire que son cas soit un exemple de lutte efficace contre l’impunité des puissants.

Cela fait plusieurs années que j’accompagne le combat de femmes iraniennes investies dans une résistance héroïque pour défendre la vie et les droits de leurs compatriotes face à un régime profondément misogyne. L’impunité des dirigeants iraniens dont le comportement criminel est dénoncé à tous les niveaux et par tous les organismes de défense des droits de la personne, a dégénéré en une culture de violence contre les femmes, dans un pays qui détient la première place mondiale pour le nombre d’exécutions par habitant.

Le choix d’Ali Khamenei d’imposer son favori lors des récentes élections, caractérisées par leur manque de légitimité, vise précisément à resserrer l’étau autour d’une société iranienne en ébullition. Le guide suprême entend durcir son régime, s’il est encore possible de faire pire. On se souvient des manifestations de décembre 2017, de novembre 2019 et de janvier 2020, lorsque des protestations de grande ampleur provoquées par la hausse du coût de la vie et par la corruption ont fait vaciller le régime. Rien qu’en novembre 2019, plus d’un millier et demi de jeunes ont été assassinés dans les rues et plus de 12 000 ont été arrêtés et torturés par les sbires de Raïssi, qui présidait alors le système judiciaire.

Les familles en Iran craignent pour leurs enfants, toujours détenus dans les prisons surpeuplées de la République islamique. Cette crainte est fondée, car les Iraniens se rappellent le génocide contre des milliers d’opposants incarcérés durant l’été 1988. Ebrahim Raïssi et trois autres juges avaient alors été chargés par le fondateur du régime, Khomeiny, d’exécuter sans procès tous les opposants politiques détenus dans les geôles iraniennes. C’était la « solution finale » version iranienne à l’encontre des sympathisants du mouvement d’opposition des moudjahidines du peuple. Quelque 30 000 prisonniers politiques ont été pendus par groupes de six à douze personnes, dans une frénésie meurtrière sans précédent en Iran.

Amnesty International a dénoncé ces faits comme « crime contre l’humanité » et, le 9 décembre 2020, sept rapporteurs spéciaux des Nations unies demandaient une enquête internationale « approfondie et indépendante » sur le génocide, et exigeaient que les familles soient informées de l’emplacement des fosses communes. C’était la première fois en 32 ans que l’ONU faisait une démarche de cette ampleur contre un État membre. De son côté, Téhéran s’employait de son mieux à en effacer toutes les traces. Mais en juin dernier, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Iran, Javaid Rehman, est allé plus loin : il a exigé qu’« une enquête indépendante sur le rôle joué par Ebrahim Raïssi en tant que procureur adjoint de Téhéran » soit menée.

L’actualité du dossier iranien ne doit pas se limiter à son programme nucléaire, car c’est précisément à cela que le régime de Téhéran souhaite circonscrire ses relations avec l’Occident. Or, tout est lié. C’est parce que c’est un régime sanguinaire qui exporte le terrorisme partout dans le monde que la possession d’une bombe atomique devient une menace d’autant plus pressante pour chacun de nous.

L’Europe est appelée maintenant à écouter les revendications légitimes de la population iranienne, qui ne cesse de protester depuis quatre ans et qui demande un changement pacifique de régime politique. Cette transition démocratique doit être facilitée par l’UE. Un premier pas serait de traduire devant la justice internationale les responsables iraniens de crimes contre l’humanité, et en particulier d’ouvrir le dossier contre Ebrahim Raïssi.

La communauté internationale sera-t-elle au rendez-vous pour accompagner le peuple iranien dans ce tournant décisif de son combat pour la liberté ? L’Iran peut compter d’ores et déjà sur l’amitié et la solidarité d’une opinion publique mobilisée pour faire pencher la balance.

Ingrid Betancourt, personnalité politique franco-colombienne, ancienne sénatrice et candidate à l’élection présidentielle colombienne en 2002, ancienne otage de la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC)

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