Le procès contre les dirigeants catalans est une énorme erreur historique

Le monde doit savoir que sept dirigeants catalans, pacifiques et démocrates (dont l’un des auteurs de cette tribune) sont en détention provisoire en Espagne depuis plus d’un an. Leur procès, qui a commencé à Madrid le 12 février, doit durer environ trois mois. Ils font face à des chefs d’accusation pouvant leur valoir jusqu’à vingt-cinq ans de prison ferme. Ils ne sont pourtant pas accusés d’avoir fait du mal à qui que ce soit, ni d’avoir volé quoi que ce soit, mais simplement d’avoir permis aux gens de voter.

Chacun doit donc réaliser qu’il existe en Europe, en plein XXIe siècle, des prisonniers politiques : ces sept dirigeants catalans, démocratiquement élus, auxquels s’ajoutent deux membres de la société civile. La plupart d’entre eux appartenaient à un gouvernement légitime choisi par un Parlement démocratiquement élu en 2015, et destitué par le gouvernement espagnol le 21 octobre 2017. Parmi ces personnes poursuivies et détenues figure Carme Forcadell, qui, en tant que présidente du Parlement catalan, elle aussi destituée, ne peut être tenue pour responsable que d’avoir permis le débat dans l’hémicycle.

Un objectif légitime

Tous sont accusés de « rébellion » et de « sédition », bien que ces délits requièrent nécessairement de la violence. Toutefois, la seule violence qui a eu lieu lors de ces événements est la brutalité policière, diffusée en direct par les chaînes d’information du monde entier, et perpétrée par des milliers de policiers envoyés par le gouvernement espagnol pour empêcher les citoyens d’exercer leur droit de vote lors du référendum du 1er octobre 2017 sur l’indépendance de la Catalogne.

L’accusation porte sur l’organisation et la tenue de ce « référendum illégal » sur l’indépendance, alors que la Constitution espagnole prévoit des référendums et que la convocation de tels scrutins par les gouvernements autonomes a été explicitement effacée de la liste des délits possibles par le code pénal espagnol en 2005.

En outre, l’indépendance de la Catalogne est un objectif politique parfaitement légitime en démocratie, qui ne saurait justifier aucune forme de persécution. Depuis des années, cette indépendance est massivement réclamée, notamment lors d’immenses manifestations remarquablement civiques et pacifiques.

Une partie de l’accusation est représentée par les procureurs généraux de l’Etat, qui se sont signalés en refusant mesquinement de faciliter l’accès des observateurs internationaux à la salle d’audience. D’autre part, la seule « accusation populaire » est menée par Vox, un parti d’extrême droite qui prône un nationalisme espagnol radical, xénophobe et contestant les droits des femmes.

Droits de l’homme bafoués

Outre les responsables aujourd’hui détenus, sept autres dirigeants catalans, dont le président du gouvernement destitué par le pouvoir central [Carles Puigdemont], sont maintenant en exil. Ils se sont présentés de plein gré devant les tribunaux et ont été laissés en liberté, ces tribunaux n’ayant pas trouvé de fondement pour leur emprisonnement ou leur extradition : pas de sédition, pas de rébellion, pas de violence. Ils sont des citoyens libres de l’Europe.

Ce procès contre les dirigeants catalans n’aurait jamais dû avoir lieu. Il s’agit d’une énorme erreur historique qui, de toute évidence, ne contribue pas à faire avancer dans la voie souhaitable du dialogue. Au contraire, il constitue un obstacle remarquable à la recherche d’une solution démocratique, dont l’absence pourrait entraîner une crise majeure en Espagne et en Europe.

Nous demandons à la communauté internationale de suivre de près ce procès et d’agir en conséquence. Car il ne s’agit aucunement d’une affaire interne au royaume d’Espagne. A travers ce procès, les droits de l’homme sont bafoués en Europe occidentale et les valeurs démocratiques sont remises en cause. Nous demandons aux citoyens et aux dirigeants de l’Europe et d’ailleurs de s’impliquer contre ces atteintes et de sauvegarder ainsi les idéaux de paix, de dialogue et d’humanisme qui ont permis à notre continent de réparer les catastrophes passées.

Oriol Junqueras (Vice-président du gouvernement catalan destitué en octobre 2017 par le gouvernement espagnol) et Alfred Bosch (Conseiller catalan pour les affaires étrangères)


Oriol Junqueras a été mis en détention provisoire le 2 novembre 2017 après sa destitution.

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