Le Projet-Bleu veut chercher une autre Terre dans le système d’Alpha Centauri

« Project-Blue » consiste à réaliser un petit télescope spatial dédié dont la seule fonction sera de rechercher une planète de type terrestre orbitant l’une des étoiles Alpha Centauri A ou B situées à 4,37 années-lumière du Soleil. Il s’agit d’abord de définir précisément les spécifications avant la mise en réalisation. Un crowdfunding a été lancé à cet effet. Il se termine dans quelques jours.

Le système stellaire d’Alpha Centauri est notre voisin le plus proche (rappelons que notre galaxie, la Voie Lactée, a un diamètre de 100.000 années-lumière et que Pluton se trouve, au plus loin, à 7 heures-lumière du Soleil). Il comprend trois étoiles, Alpha Centauri A, B et C que l’on nomme aussi « Proxima Centauri »* car c’est l’étoile actuellement la plus proche de notre Soleil (4,24 années-lumière). Nous avons déjà trouvé une planète rocheuse (« Proxima b ») de masse quasi terrestre (1,3 fois la Terre ou peut-être un peu plus) dans la zone habitable de cette dernière ; malheureusement Proxima Centauri est une toute petite étoile (0,123 masses solaires mais tout de même 128 fois Jupiter) et sa zone habitable en est extrêmement proche (neuf fois plus que l’orbite de Mercure ne l’est du Soleil). Cela expose sa planète à des radiations extrêmement dangereuses et bloque sa rotation par force de marée, de telle sorte qu’elle présente toujours la même face à son étoile, comme la Lune est bloquée par la masse de la Terre. Il est donc difficile d’envisager qu’elle puisse être une seconde Terre. Néanmoins un projet, déjà présenté dans ce blog (« Breakthrough Starshot »), envisage de l’explorer avec des voiles solaires propulsées à 20% de la vitesse de la lumière par des rayons laser.

NB : il n’est pas certain que Proxima Centauri appartienne bien au même système qu’Alpha Centauri. Elle pourrait n’être qu’un astre de passage, actuellement dans le voisinage des deux autres (dont elle est séparée de 13.000 Unités Astronomiques – « UA » – tout de même; une UA = distance Terre / Soleil).

Le principe de Project-Blue est que, puisque nous avons trouvé une planète de type terrestre orbitant autour de Proxima, nous avons quelques chances d’en trouver une autre autour de l’une de ses étoiles sœur, Alpha Centauri A ou B. Ce serait plus intéressant car Alpha Centauri A (« ACA ») a une masse de 1,1 masse solaire et Alpha Centauri B (« ACB »), une masse de 0,907 masse solaire. Les deux étoiles sont donc de « vrais » soleils. Elles sont juste un peu plus vieilles que le nôtre (4,85 à 6,8 milliards d’années au lieu de 4,57) mais elles ont toujours la même composition et émettent presque les mêmes radiations (pas tout à fait car ACB émet un peu trop de rayons X), générant la même zone habitable. Leurs planètes de type terrestre en zone habitable, si elles existent, pourraient se trouver à la même distance de leur étoile. Compte tenu du différentiel très fort de lumière émis par l’étoile par rapport à celle réémise par ses planètes, il serait très difficile d’en distinguer une, visuellement, si elle était aussi proche de Proxima Centauri que l’est la planète Proxima-b. Cependant dans le cadre de Project-Blue, on cherche une planète plus lointaine de son étoile (à la distance d’une UA) et on utilisera un coronographe (ou deux?) qui occultera chacune des deux étoiles (ou les deux à la fois?). A noter que ce système permettant une détection visuelle d’objets aussi petits, n’est encore possible que pour les planètes des systèmes stellaires les plus proches de la Terre, peut-être quatre ou cinq seulement (et parmi eux, aucun autre n’est centré sur une étoile de type solaire).

Nous avons une chance et nous devons la saisir. Mais ne nous faisons pas d’illusion ; nous n’avons aucune certitude quant à ce qu’on pourra trouver. Le doute le plus fort provient de la nature binaire du système d’Alpha Centauri. De plus ACA est très proche de ACB. La distance varie entre 36,5 UA (distance de Pluton au Soleil) à seulement 11 UA (distance de Saturne au Soleil). Dans un tel système on ne peut savoir quels types de planètes les forces antagonistes et les distorsions d’orbite résultant de la proximité relative des étoiles entre elles, peuvent permettre. Il est en tout cas impossible que l’équivalent de Saturne ou de Jupiter existent. A supposer qu’une planète orbite néanmoins autour de l’une ou l’autre (« A » ou « B »), ce pourrait être un « Jupiter chaud » qui, partant d’au-delà de la limite de glace du système, aurait balayé toute matière disponible jusqu’à proximité de l’étoile ; ces planètes sont très fréquentes dans notre environnement galactique. A supposer que ce soit une planète rocheuse de masse égale à la Terre (c’est possible pour une étoile de type solaire s’étant formée dans un nuage proto-planétaire), rien ne nous dit qu’elle aurait reçu l’eau nécessaire à l’évolution vers la vie. Et même dans ce cas, rien ne dit que l’évolution ait conduit vers l’émergence d’une vie de type bactérien qui ensuite aurait généré de l’oxygène qui aurait permis l’apparition d’organismes vivants utilisant cette forme d’oxydant qui aurait permis une vie de type eucaryote mono-cellulaire puis de type eucaryote-métazoaire (les végétaux, les animaux puis nous-mêmes).

Les promoteurs de Project-Blue sont peut-être un peu optimistes ou présomptueux. Mais si nous trouvons une planète de type terrestre enveloppée par son cocon atmosphérique, quel incitation et quel défi ce serait ! Nul doute qu’à ce moment le projet Breakthtough Starshot ne soit ré-orienté vers cette possible Terre et que les agences interviennent massivement pour « aller voir ».

L’aventure est tentante d’autant plus que le programme proposé peut commencer avec peu de moyens financiers. Il s’agit pour le moment de définir précisément les spécifications du télescope avant d’en organiser la réalisation et ce premier stade ne coûterait que 175.000 dollars. Les promoteurs du projet, personnes très respectables et compétentes dans leur domaine* sont regroupées au sein du « BoldlyGo Institute », un organisme privé dont la devise est « advancing the frontier of Space science and exploration ». Ils bénéficient du soutien moral (mais pas financier !) de la NASA. Ils ont lancé le 6 septembre un crowdfunding qui sera clos fin octobre (le 24). Il a le 20/10, réuni 69% des fonds de ce premier stade (121.426 dollars). La totalité du projet (lancement compris) devrait coûter in fine environ 30 million de dollars, ce qui est très peu au regard des « gros projets » qui atteignent communément les centaines de millions. La raison en est que le télescope qui utilisera les dernières technologies optiques n’aura qu’un seul objectif (on pourrait dire un seul réglage), rechercher cette planète.

*des universitaires américains de l’Université d’Arizona, du Carl Sagan Center for Research at the SETI Institute (Dr. Nathalie Cabrol), de l’Université du Massachussetts, Lowell, de Yale, de l’Université de Victoria (Colombie Britannique), de Penn State et du Bay Area Environmental Research Institute.

Alors, rejoignez-les! rejoignez nous ! Il reste une douzaine de jours. Dans quelques années nous pourrions ensemble découvrir peut-être l’hypothétique Polyphème et son plus gros satellite (dans le film Avatar, Pandora est un satellite rocheux de cette géante gazeuse supposée orbiter ACA)? Le lancement du télescope est prévu pour 2021, la première image pour 2022. Elle nous montrera l’environnement des deux étoiles tel qu’il était à peu près aujourd’hui. (4 ans et 4 mois auparavant). Il faut en effet le temps que la lumière fasse le chemin qui nous sépare de nos voisines et nous apporte l’information à la « petite » vitesse de 300.000 km/s !

Image à la Une : Vue d’artiste du télescope Project-Blue.

Liens :

http://www.projectblue.org/

http://boldlygo.org/

images ci-dessous,

1) Photo prise par le télescope Hubble du système binaire Alpha-Centauri-A (à gauche) et Alpha Centauri-B (à droite):

Le Projet-Bleu veut chercher une autre Terre dans le système d’Alpha Centauri

2) design conceptuel de Project-Blue:

Le Projet-Bleu veut chercher une autre Terre dans le système d’Alpha Centauri

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France).

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