Le Royaume-Uni doit rester dans l’Union européenne, mais pas à n’importe quelle condition

La question qui sera posée aux Britanniques avant la fin 2017 a le mérite de la clarté : « Pensez-vous que le Royaume-Uni doive rester ou quitter l’Union européenne ? ». Il est aujourd’hui très difficile de prévoir le résultat de ce référendum. Confronté aux eurosceptiques de son parti mais aussi au Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) sur sa droite, David Cameron fait le pari de rallier l’opinion publique britannique au choix de rester dans l’Union européenne (UE), après avoir renégocié le statut du Royaume-Uni avec ses partenaires. La négociation qui s’engage sur le Brexit n’est donc pas seulement britannique ; elle concerne l’ensemble de l’Union

La lettre envoyée le 9 novembre par David Cameron au Président du Conseil européen, Donald Tusk, a permis de préciser les exigences : approfondissement du marché unique pour permettre plus de compétitivité et de croissance ; accroissement du rôle des parlements nationaux dans le contrôle des décisions européennes ; obtention d’un droit de retrait de l’objectif d’une « Union sans cesse plus étroite » ; volonté de protéger les intérêts des États qui ne sont pas membres de la zone euro par rapport à ceux qui appartiennent à l’Eurozone ; et enfin limitation des droits des migrants européens à bénéficier des prestations sociales dans les pays d’accueil.

Il n’est raisonnablement dans l’intérêt d’aucun Etat membre de l’UE que le Royaume-Uni s’en aille. Il y a au moins cinq bonnes raisons de garder le Royaume-Uni dans le navire européen. Premièrement, ce pays a toujours joué un rôle essentiel dans le renforcement du marché intérieur européen, y compris à l’époque de Margaret Thatcher. Deuxièmement, il a compris l’enjeu de l’élargissement à l’Europe centrale et orientale pour la stabilité géopolitique du continent européen. Troisièmement, il est le seul avec la France à disposer d’une politique un peu ambitieuse en matière de défense. Quatrièmement, la présence du Royaume-Uni a permis un équilibre de la puissance entre les grands États européen. Pour la France en particulier, le Royaume-Uni a toujours représenté un contrepoids utile à l’Allemagne. Enfin, une sortie du Royaume Uni équivaudrait à la première expérience réussie de désunion politique de l’Europe, ce qui ne manquerait pas de donner des ailes à tous les eurosceptiques, nombreux à droite comme à gauche.

Liberté de circulation des personnes

Néanmoins, renégocier la participation britannique à l’Union européenne ne saurait se faire à n’importe quelle condition. Elle ne doit en effet aboutir en aucun cas à transiger sur les principes fondateurs. Parmi ces principes, le plus important est la liberté de circulation des personnes. Il s’agit d’un acquis fondamental de la construction européenne qui ne peut pas être remis en cause dans les conditions que laisse entendre David Cameron dans sa lettre. Tout citoyen d’un Etat de l’Union européenne installé et travaillant dans un autre Etat membre doit pouvoir bénéficier exactement des mêmes droits que les nationaux.

Deuxièmement, l’approfondissement de la zone euro reste une priorité pour ceux qui ont choisi d’y participer. Au-delà des 19 États qui sont d’ores et déjà membres de l’Eurozone, les autres se sont engagés à adopter la monnaie unique quand ils rempliront les conditions requises ; seuls deux États, le Danemark et le Royaume-Uni, ont une dérogation mais ce sont bien deux exceptions et non une règle. Si la clarification des relations entre les membres de l’Eurozone et les autres est nécessaire, il ne saurait être question de créer à l’avenir une union à devises multiples comme le propose David Cameron.

Ne pas laisser un boulevard aux Eurosceptiques

Enfin, si certaines mesures institutionnelles proposées par Cameron -comme le renforcement des pouvoirs de contrôle des parlements nationaux- ont un sens au regard des opinions publiques, elles ne sauraient engager à une révision des traités. Après sept années de crises européennes, il est en effet un peu tôt pour ouvrir cette boîte de Pandore.

Il est de la responsabilité politique de tous les Européens que David Cameron obtienne des gages lui permettant de gagner son référendum et de maintenir le Royaume-Uni dans l’Union européenne. Soyons par la même occasion lucides : il ne lui sera pas facile de trouver un équilibre entre ce qu’exige le débat politique en Grande-Bretagne d’une part, et ce que les partenaires européens sont prêts à accorder d’autre part. Aussi est-il primordial aussi de mettre en œuvre des solutions plus européennes pour la gestion des crises, et notamment celle des réfugiés, afin de ne pas laisser un boulevard aux Eurosceptiques pour dire que l’Union ne sert plus à rien.

Un « non » britannique précipiterait le Royaume-Uni dans l’inconnu. Bien pire, il changerait totalement le destin de l’Union européenne en actant pour la première fois dans l’histoire la désunion politique d’une expérience régionale qui reste sans équivalent dans le monde.

Thierry Chopin est directeur des études de la Fondation Robert Schuman, expert associé au CERI, Sciences Po. Christian Lequesne est professeur de science politique au CERI, Sciences Po.

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