Le Timor-Oriental sort du nid onusien et prend son envol

Le Timor-Oriental a depuis une année (le 20 mai dernier) retrouvé sa pleine souveraineté et son indépendance, perdues dès le début du XVIe siècle. Si cet Etat est certes le premier à voir le jour au XXIe siècle, son processus d’autodétermination reste cependant un des plus bouleversés de l’histoire.

Accosté par les Portugais en 1512, ce territoire se situe aux confins des îles de la Sonde, dans le Sud-Est asiatique. Il se retrouve très rapidement au centre de plusieurs appétits: celui des Portugais, qui découvrent une terre riche en ressources comme le bois de santal et imaginent un lieu possible de bannissement; et celui des voisins néerlandais, avec leurs célèbres Indes néerlandaises orientales. Une fois les tensions apaisées entre ces deux puissances – la délimitation de la frontière ne sera réglée par la Cour permanente d’arbitrage qu’en date du 25 juin 1914 –, le Timor fait face à un vif appétit des forces de l’Axe et des Alliés (au premier rang desquelles les forces japonaises et ­australiennes) pendant la Seconde Guerre mondiale. Les moments de tension diplomatique perceptibles dès 1941 ne s’apaisent qu’avec le retour de la pleine souveraineté en septembre 1945, après la reddition des forces japonaises au capitaine MacArthur.

Le Timor vit ensuite une période de forte pression issue de son jeune voisin indonésien, lequel n’attend qu’une chose: voir le Portugal abandonner sa possession et pouvoir en faire une de ses provinces. C’est chose faite le 7 décembre 1975, lorsque ce pays nouvellement indépendant est envahi par les forces indonésiennes avec, comme prétexte, la lutte contre le colonialisme et la peur que les idées communistes ne prennent le dessus au sein de ce nouvel Etat. Le Timor-Oriental devient dès lors la 27e province de l’Indonésie jusqu’au référendum de 1999. Pendant presque 25 ans, le Timor-Oriental, à 90% catholique, subit une intégration véhémente dans l’Indonésie de Suharto. Le Portugal ne lâche pourtant pas son ancienne colonie et entame, au sein des plus grandes instances internationales, dont l’ONU, un vrai bras de fer avec les autorités indonésiennes, avec comme finalité la pleine libération du territoire.

Suit un quart de siècle de batailles avec, au passage, une visite engagée de Jean Paul II à Dili (1989), où le pape n’a pas baisé le sol de l’île comme à l’habitude, en signe de désapprobation de l’annexion. Cet acte du Vatican, un double Prix Nobel de la paix (1996) et le massacre de Santa Cruz (1992) réinscrivent la cause est-timoraise dans les agendas internationaux mais surtout dans la presse mondiale. Le référendum arrive finalement en 1999. Les Timorais s’expriment alors à 78,5% en faveur de l’autodétermination et ouvrent ainsi la voie à la création d’un nouvel Etat – souvent appelé «le bébé des Nations unies», l’ONU ayant ­investi beaucoup de temps et d’argent dans ce processus. Le 25 octobre 1999, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1272, qui porte création de l’Administration transitoire des Nations unies au ­Timor-Oriental (Atnuto), administration civile et de maintien de la paix dont le mandat sera prolongé à deux reprises jusqu’à l’accession formelle du pays à l’indépendance, le 20 mai 2002. Suivent alors une série de missions (Manuto 2002-2005, Minut 2006-2012) avec, comme objectif, de pouvoir assurer la bonne gouvernance du Timor. Ces missions ont permis de mettre en place des structures administratives et de fédérer les divers axes d’une politique de développement.

Aujourd’hui, avec le retrait total des dernières forces internationales, le Timor-Oriental se retrouve seul face à son destin et de nouveaux défis s’ouvrent à lui: gérer et gouverner seul son avenir. Trois contraintes majeures s’imposent néanmoins.

Il faut d’abord négocier avec le voisin australien l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole dans la mer de Timor. Les gisements actuels permettraient au Timor d’être autonome en ressources naturelles pendant plus d’un quart de siècle.

Il convient ensuite de penser à l’avenir des langues officielles. Il y a onze ans, le gouvernement a décidé d’inscrire dans la Constitution le portugais et le tetum comme langues officielles. L’actuel gouvernement a, lui, décidé de valoriser ­l’apprentissage et le développement des langues régionales et du tetum à la place de celle de l’ancien colonisateur.

L’adhésion à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) est enfin une priorité des relations extérieures du pays. Il s’agit, là aussi, d’un véritable défi. L’examen de l’adhésion est en place depuis 2011 et nécessite de travailler ces trois piliers que sont le domaine politique et sécuritaire, l’économie et le lien culture-société. Autant dire que ce nouvel Etat a tout en main pour assurer son avenir. Ce territoire d’une beauté époustouflante et à la population si accueillante ne cesse du reste de s’ouvrir à l’extérieur et de prouver, s’il en était encore besoin, que, malgré sa situation géographique éloignée et son identité de «petit» territoire, il est bel et bien un pays à part entière.
Flavio Borda d’Agua, doctorant en histoire à Genève.

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