Le Vatican et Al-Azhar ensemble face à la violence au nom de la religion

Le cardinal Jean-Louis Tauran, responsable du dialogue interreligieux du Vatican en compagnie du vice-imam de la mosquée Al-Azhar. Le Caire, 22 février 2017.
Le cardinal Jean-Louis Tauran, responsable du dialogue interreligieux du Vatican en compagnie du vice-imam de la mosquée Al-Azhar. Le Caire, 22 février 2017.

A l’heure où les partis politiques d’extrême droite en Europe font tout pour exacerber et diaboliser l’islam et les musulmans, des contacts souterrains ont lieu entre deux instances très importantes pour essayer de désamorcer les tensions et rapprocher une partie du monde musulman sunnite et le christianisme. En effet, après six ans de froid, les relations ont repris entre la prestigieuse institution Al-Azhar au Caire, principale institution sunnite, et le Vatican.

La rencontre a eu lieu au Caire les 22 et 23 février dernier. Ensemble, les deux délégations d’une quinzaine de personnes chacune, une catholique et l’autre musulmane, se sont mises d’accord sur un programme en plusieurs séances sur «le rôle d’Al-Azhar et du Vatican dans la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et la violence au nom de la religion». Ces relations qui existent depuis plusieurs années, ont connu des hauts et des bas, notamment à cause d’un attentat commis le 31 décembre 2010 contre une église copte d’Alexandrie qui avait fait réagir Benoit XVI, très irrité. Mais après l’élection de François en mars 2013, le grand Imam d’Al-Azhar, Ahmed Al Tayyeb, a adressé ses vœux au nouveau pape auquel il a rendu visite à Rome le 23 mai 2016.

Evénement à Rome?

Lors de la rencontre de ces derniers jours, les deux parties ont abordé un des problèmes les plus urgents: Quels moyens utiliser pour protéger les jeunes de l’extrémisme? Il est vrai que les attentes des deux parties divergent. Le Vatican souhaite qu’un petit groupe se réunisse plus souvent pour effectuer un travail théologique et publier un texte commun. Mais l’objectif d’Al-Azhar est davantage politique. La délégation égyptienne aimerait surtout un vaste événement à Rome qui permettrait au grand imam Al-Tayyeb de se montrer aux côtés du pape François qu’il a aussi invité à venir en Egypte. Une invitation qui est étudiée de près. On le voit, ces gestes de bonne volonté de part et d’autre, s’ils se réalisaient à Rome comme au Caire, auraient certainement un grand retentissement auprès du monde musulman et chrétien.

En rentrant du Caire le 26 février, le cardinal français Jean-Louis Tauran a déclaré: «Les terroristes voudraient démontrer qu’il n’est pas possible de vivre ensemble avec les musulmans, mais nous affirmons le contraire. Des rencontres comme celle-ci sont vraiment des dons qui sont faits à l’humanité, parce qu’elles démontrent qu’il existe une possibilité de travailler ensemble. Plus la violence augmente, – et c’est grave – plus il est nécessaire de multiplier ce type de rencontres.»

«Ce que nous voulons faire ensemble»

De l’avis du cardinal Tauran, ce sont surtout les musulmans qui ont tenu à affirmer qu’il n’est pas possible d’invoquer la religion pour justifier la violence. Selon lui, cette rencontre a marqué une nouvelle étape dans les relations avec les musulmans. «Nous avons délibérément dit ce que nous voulons faire ensemble aujourd’hui et demain, et je crois que c’est important parce que c’est concret.»

Un autre congrès sur «les libertés religieuses, la nature civile de l’Etat, la citoyenneté», en fait les bases de la démocratie, a par ailleurs eu lieu dès le 27 février au Caire, ceci à l’appel de l’imam Al Tayyeb qui avait rédigé en 2014 une «Déclaration d’Al-Azhar» contre l’extrémisme et le terrorisme, réfutant ainsi les thèses djihadistes. Le roi du Maroc, Mohammed VI, avait fait une déclaration semblable en août 2016. Il n’est pas inutile de rappeler qu’ils sont en danger face aux djihadistes et autres salafistes. De plus, le président iranien, Hassan Rohani, musulman chiite, avait lui aussi rendu visite à François le 26 janvier 2016.

Ce sont toutes des nouvelles réjouissantes à prendre avec précaution certes et sans trop d’illusions, mais qui devraient pouvoir contrer toutes les tentatives extrémistes et simplistes de se diaboliser mutuellement, en politique comme en religion.

Christine von Garnier, Dr en sociologie et journaliste.

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