Le Venezuela en crise : quelques réflexions à l’intention des Insoumis

Un manifestant retenu par des policiers ­antiémeute à Caracas, le 28 juillet. Sur le mur est inscrit : «A bas la dictature.» Photo Carlos Garcia. Reuters.
Un manifestant retenu par des policiers ­antiémeute à Caracas, le 28 juillet. Sur le mur est inscrit : «A bas la dictature.» Photo Carlos Garcia. Reuters.

Je voudrais poursuivre le débat après l’article publié dans Libération des 12-13 août sur le Venezuela et contribuer ainsi à la réflexion que La France insoumise mènera lors de son université d’été, en évoquant une réalité qui ne rentre pas dans les discours préétablis.

Les Insoumis bâtissent souvent leur discours à partir de trois erreurs :

1) Ils qualifient de «socialiste» une alliance entre militaires et politiciens corrompus utilisant le drapeau socialiste afin de s’attirer la sympathie de la gauche internationale.

2) Ils accusent «l’extrême droite et l’oligarchie financière» d’avoir détruit le pays, alors qu’en réalité, l’opposition réunit des partis de centre droit, de gauche et des sociaux-démocrates, la seule oligarchie étant la «boli-bourgeoisie» chaviste. Ils devraient s’informer sur les investigations en cours à propos des milliards de dollars déposés par cette dernière dans des banques étrangères.

3) Ils attribuent la crise à la baisse des prix du pétrole alors que la cause de cet échec est une gestion publique qui a détourné 850  milliards de dollars de revenus pétroliers et qui, prenant comme alibi un soi-disant collectivisme, a détruit l’industrie et l’agriculture.

Bien que le chavisme ait organisé des scrutins au cours des seize dernières années, depuis décembre 2015, il est évident qu’il accepte de convoquer des élections seulement quand il est sûr de les gagner. A partir de cette date, le président Maduro s’est servi du Tribunal suprême de justice (TSJ), dont les membres, nommés illégalement, sont liés au Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV, au pouvoir), pour annuler les décisions de la nouvelle Assemblée nationale (AN).

Une fois cette dernière installée, le TSJ a suspendu les mandats de trois députés d’Amazonie afin de priver l’opposition de sa majorité des deux tiers ; il a annulé les pouvoirs de contrôle politique de l’AN, au moment où elle commençait ses investigations sur la corruption des fonctionnaires et la disparition de 250 milliards de dollars de fonds publics ; et l’a empêchée d’exercer son contrôle législatif sur les forces armées, transformant la Chambre constitutionnelle du TSJ en un super-pouvoir.

Illégalité

En mars 2017, cette même Chambre décrétait que l’Assemblée nationale était en «désobéissance», et que par conséquent tous ses actes étaient nuls, le TSJ assumerait donc la fonction législative en usurpant la souveraineté populaire. Par la suite, elle déclara que «l’Etat d’exception» décrété par Maduro était constitutionnel, dans le but de prendre des mesures économiques qu’elle utilisa pour approuver des contrats miniers et des lois sans l’aval de l’AN. Constatant le soutien apporté à l’AN légitime par l’Union européenne et la majeure partie des pays de l’Organisation des Etats américains, Maduro lança un appel à l’élection d’une Assemblée constituante (ANC), sans respecter les formalités constitutionnelles pour sa convocation et violant le principe du suffrage universel direct et secret, appelant seulement ses militants à ce vote. Rien n’y fit, ni les protestations de la communauté internationale pour suspendre cette élection, alertant sur son illégalité, ni l’intervention du Pape ou de l’ex-président du Parti socialiste espagnol (PSOE) Rodriguez Zapatero qui abondaient dans le sens d’une résolution pacifique par le biais du dialogue et de la négociation.

Les partis politiques d’opposition représentés par la Table de l’unité démocratique (MUD) réclament des élections générales, le respect de la séparation des pouvoirs, la libération des prisonniers et l’ouverture d’un canal humanitaire pour soulager l’état de famine du pays. Le régime a fait fi de tout cela et, bien au contraire, a tourné le dos à toute solution politique en augmentant répression et violence avec un passif de 129 assassinats en trois mois, 5 092 arrestations arbitraires (80% de jeunes) et l’utilisation de la torture dénoncées par un rapport des Nations unies.

Le Conseil national électoral, arbitre sous influence du gouvernement, déclara un chiffre de votants de 8 millions, quantité exagérée selon l’entreprise Smartmatic, chargée du comptage des votes, pour qui la fraude s’élèverait au moins à 1  million de votes. Cette fraude a été commise pour dépasser le chiffre obtenu par la MUD lors du plébiscite convoqué les 16 et 17 juillet contre l’ANC, ce qui fait planer un doute sur la transparence des processus électoraux antérieurs validés par le CNE.

L’ANC s’est installée en prenant d’assaut le palais législatif où se réunit l’AN. Dans un deuxième temps, elle destitue la procureure générale Luisa Ortega et émet un ordre d’arrestation. Celle-ci fuit vers la Colombie, puis le Brésil, et assure posséder des preuves de corruption de fonctionnaires.

On peut se demander pourquoi une partie de la gauche française incluant, La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, ne s’est pas encore prononcée sur ces faits.

Natalia Brandler, directrice du Groupe d’études politiques sur l’Amérique latine. Traduction Alexandra Poleo.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *