Le Web 3.0 annonce un nouvel âge d’or de l’investissement actif

Opacité, insécurité, volatilité: après l’effondrement du cours des cryptos et l’escroquerie FTX, il est de bon ton aujourd’hui de pointer du doigt le Web 3.0 comme un espace de spéculation sans frein, vitrine des pires travers de la finance. Si la critique est légitime et la régulation, plus que jamais nécessaire, s’en contenter revient à passer à côté des tendances qui s’affirment à la faveur du développement de ce nouvel écosystème.

Car si engouement il y a pour les nouvelles classes d’actifs digitaux, c’est qu’à la vérité, la philosophie de l’investissement et de ses principaux acteurs est en crise. Nous sortons d’une décennie d’expansionnisme monétaire où le sens même de l’investissement, pour les investisseurs – LPs – comme pour les gestionnaires – GPs –, s’est globalement appauvri.

Avec la promotion des stratégies passives par les grandes sociétés de gestion, avec le développement exponentiel des ETF, l’exposition à un secteur ou un indice a pris le pas sur l’engagement auprès des entreprises. Le suivisme a triomphé de l’activisme et l’esprit patrimonial de la rente a peu à peu supplanté la culture entrepreneuriale de la transformation.

Traçabilité. C’est là que le Web 3.0, dans sa structure profonde – désintermédiée, décentralisée et démocratisée –, ouvre la voie à une nouvelle ère. La technologie du registre distribué, qui en est au fondement, dispose de qualités uniques de transparence, de traçabilité et de sécurité qui lui confèrent un intérêt majeur dans la tenue d’un marché.

Mieux, elle permet, en droit, à n’importe quel internaute, où qu’il se trouve, d’investir directement dans tout actif tokenisé sur un registre. Cela veut dire qu’un usage étendu de cette technologie aurait pour effet de limiter considérablement le nombre d’intermédiaires financiers tout en démocratisant l’accès à des classes d’actifs aujourd’hui réservées à un public restreint. C’est toute l’industrie de l’investissement qui en serait dès lors transformée.

Pourquoi faut-il s’en réjouir ? D’abord parce que ce mouvement de désintermédiation n’est que l’aboutissement tardif, dans le secteur de l’investissement, de ce que la digitalisation a imposé́ partout ailleurs : mettre le client au centre des modèles d’affaires.

Ensuite parce que l’investissement actif correspond aux aspirations des plus jeunes générations d’investisseurs : celle qui a utilisé Robinhood en masse, au plus fort de la crise du Covid, ou qui a couru au secours de GameStop, mais aussi celle des Business Angels ou des Club Deals, qui pratique un investissement de conviction et d’expertise, et tolère un haut niveau de risque.

Accélération digitale. Enfin et surtout, parce que l’investissement actif est plus que jamais nécessaire pour aider les entreprises à réussir les grandes transformations de notre temps : la transition écologique et l’accélération digitale. C’est ce que les fonds à impact ont bien compris en adoptant des stratégies « activistes » dans les sociétés cotées dans lesquelles ils ont des participations. C’est ce que les fonds de Private Equity les plus ambitieux déploient avec des équipes dédiées là où ils sont majoritaires, parce qu’ils savent que seules les stratégies actionnariales transformationnelles sont réellement créatrices de valeur.

Dans l’histoire des marchés, la philosophie et les pratiques d’investissement ont toujours découlé d’une combinaison de facteurs institutionnels, de techniques juridiques et des technologies de l’époque. C’est vrai en 1602 quand la Compagnie des Indes Orientales devient la première grande société par actions ; c’est vrai en 1924 lorsque sont inventés en France les Fonds communs de placement.

Les sociétés de gestion de 2022 ne peuvent donc pas fermer les yeux sur l’essor du Web 3.0. La tokenisation est une opportunité immense de repenser leur rôle et d’engager une révision en profondeur des modèles de gouvernance des fonds et des relations aux clients retail. Nous sommes à l’aube d’un nouvel âge d’or de l’investissement actif et les entreprises ont tout à y gagner. Qui a peur des actionnaires engagés ?

Rémi Pesseguier est CEO de Singulier.

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