Les 5 erreurs des défenseurs du Revenu de Base Inconditionnel (RBI)

Une action sur la place fédérale, en octobre 2013. © Keysone / PETER KLAUNZER
Une action sur la place fédérale, en octobre 2013. © Keysone / PETER KLAUNZER

Les partisans du Revenu de Base Inconditionnel expliquent qu’il faut se préparer à la «disparition du travail». Aussi loin que je puisse me souvenir, ce thème de la disparition du travail «à cause des robots» a toujours été récurrent dans les médias. Sa prévalence aujourd’hui encore est étonnante, alors même que la majorité des pays développés connaît le plein-emploi.

Les compétences demandées évoluent, et la proportion d’indépendants augmente. Aux Etats-Unis, dans les 10 dernières années, l’emploi salarié est stable, quand près de 10 millions d’emplois indépendants ont été créés. Le travail change de forme, mais il ne disparaît pas! Quand certaines activités déclinent (la presse papier en est un exemple), d’autres les remplacent. Pour citer un domaine que je connais bien, l’Internet, ce sont des centaines de milliers d’emplois qui ont été créés depuis 15 ans. La société que j’ai créée compte 450 salariés, et nous opérons dans un domaine, la publicité vidéo native, qui n’existait pas il y a 4 ans.

Remplacer toutes les aides par une allocation unique est utopique

Certains, notamment parmi les libéraux, sont attirés par la perspective de supprimer la plupart des aides sociales accordées jusqu’ici par l’État, pour les remplacer par une allocation unique (ce que le projet de RBI Suisse ne prévoit d’ailleurs pas). L’idée serait de faire des économies en réduisant le nombre des fonctionnaires qui gèrent les systèmes sociaux.

Certes, le système d’aides sociales mérite une sérieuse simplification. Mais pourquoi aurions-nous besoin d’instituer un revenu inconditionnel et universel pour nous attaquer à ce chantier?

Ensuite, soyons réalistes, la remise à plat intégrale n’est pas évidente, car il faut distinguer selon la nature des allocations, les unes relevant du domaine de l’assurance (maladie, chômage, retraite), alors que les autres sont des aides (logement, etc.), et tenir compte de la situation des handicapés, retraités, malades, familles nombreuses…

Les expériences existantes de revenu universel sont insignifiantes

Les quelques expériences existantes sont totalement insignifiantes: deux villes au Canada ont tenté le RBI il y a 40 ans et ont abandonné. Et en Alaska, riche du pétrole, les habitants reçoivent environ 1000 dollars par an, aucune conclusion à en tirer.

Alors on nous parle du projet finlandais. Le gouvernement de ce pays lance des études sur le sujet, et envisagerait d’attribuer à tous les adultes 550 euros mensuels (4 fois moins que le montant envisagé par les initiants en Suisse), permettant de remplacer certaines prestations de base, sans modifier les assurances sociales, en particulier les retraites et l’assurance chômage, et tout en conservant les aides au logement. Le financement reste pour l’instant un mystère. Laissons les Finlandais rêver, et espérons pour eux qu’ils ne feront pas n’importe quoi.

Pourquoi vouloir donner de l’argent à des gens qui n’en ont pas besoin?

Quel intérêt peut-il bien y avoir à donner de l’argent à des gens fortunés, qui par définition n’en ont pas besoin? C’est pourtant le principe même d’un revenu garanti «universel»: il ne s’agit pas seulement d’aider les pauvres, comme le proposait Milton Friedman avec son idée d’un impôt négatif sur les petits salaires, mais bien aussi de donner de l’argent aux riches. Franchement, je ne comprends pas. Qui m’expliquera?

Un revenu garanti à vie serait une incitation à ne pas travailler

Il est clair que si le RBI constituait «une rente suffisante pour vivre» comme le proposent les initiants, il constituerait une incitation à ne pas travailler. Certains, peut-être nombreux, choisiraient de vivre aux dépens de la communauté, au besoin en arrondissant leurs fins de mois par de menus travaux.

Or dans la compétition internationale, aucun pays ne peut se permettre d’encourager l’oisiveté, parce que les oisifs pèsent sur la compétitivité de ceux qui travaillent. La situation catastrophique de la France avec ses 35 heures et son RSA (sorte de revenu inconditionnel réservé aux gens sans emploi – en fait une véritable trappe à pauvreté et travail au noir) en témoigne.

N’encourageons donc surtout pas les jeunes à croire qu’on peut gagner de l’argent toute sa vie sans travailler.

Ce débat n’aura pas été inutile s’il permet de comprendre l’importance de soigner encore plus les points forts de la Confédération: la formation, la compétitivité des entreprises, l’efficacité des administrations, et la valorisation du travail.

Car le travail n’est pas qu’un moyen de gagner sa vie, c’est aussi l’un des meilleurs moyens de se réaliser dans la vie.

Pierre Chappaz, Executive Chairman de Teads.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *