Les conditions d'une résolution du conflit russo-ukrainien sont réunies

Difficile d'y croire, vu l'intensité de la rhétorique au récent sommet de l'OTAN à Newport, au pays de Galles, mais les contours d'une durable sortie de la crise ukrainienne s'esquissent – sortie qui s'avère plus logique que celle de la lutte contre l'Etat islamique, deuxième grand enjeu du sommet.

La résolution du conflit russo-ukrainien se fera non pas en raison de quelconque pression exercée sur la Russie par les nouvelles initiatives annoncées par l'OTAN, dont une force de réaction rapide, mais à cause de la confluence des sanctions économiques contre Moscou, la balance des forces armées dans le sud-est de l'Ukraine et la perspective d'une descente dans un conflit d'hiver dont les conséquences à long terme sont l'isolement stratégique et psychologique de la Russie, un Etat ukrainien faible et pauvre, et la possibilité de confrontations dans plusieurs théâtres-clés de ce siècle : l'Arctique, le Proche-Orient, et l'Asie, sinon en Europe même.

Si les discussions à Minsk la semaine dernière traitaient d'un cessez-le-feu tactique, les bornes de toute trêve russo-ukrainienne stratégique se profilent ainsi : Moscou, pour des raisons de survie intérieure, ne peut pas accepter des termes qui compromettraient son prestige, érigé, depuis l'annexion « biblique » de la Crimée, comme soi-disant protecteur de la russophonie ukrainienne. La Russie ne peut non plus permettre à l'Ukraine de se ranger dans une alliance qui lui serait hostile comme l'OTAN, ni moins accepter un pacte stratégique Ukraine-Etats-Unis.

Kiev, à son tour, ne peut donner son aval à quoi que ce soit qui risquerait de décevoir les milices de l'EuroMaïdan, car celles-ci pourraient menacer de renverser à nouveau le gouvernement. Cette possibilité, peu appréciée en Occident, a été mise en évidence récemment lorsque le leader de la milice Pravy Sektor, enhardi par les combats au Sud-Est, a menacé de marcher sur Kiev si le ministère de l'intérieur n'accédait pas à ses demandes quant à la « nullification » d'accusations criminelles contre certains de ses membres. De surcroît, les élections parlementaires qui auront lieu fin octobre ont l'effet, du moins temporairement, de rétrécir la marge de manoeuvre diplomatique du président Porochenko.

FÉDÉRALISME ET INDISSOLUBILITÉ

La trêve devrait avoir cinq aspects : l'introduction au Sud-Est et sur les frontières russo-ukrainiennes de forces de maintien de la paix provenant exclusivement de pays de l'Asie. La Russie n'accepterait jamais des forces européennes de maintien de la paix, et un déploiement d'observateurs de l'OSCE pour assurer le respect d'un cessez-le-feu ne réussirait qu'à séparer les combattants. Ensuite, Kiev devrait fédéraliser – oui, fédéraliser ! – ses relations avec plusieurs régions de l'Etat ukrainien, à commencer par certains oblast (« unité administrative ») du Sud-Est. On pourrait bien se servir d'un autre mot que « fédéralisme » – comme « dévolution » – mais l'effet sera semblable – à savoir que les populations locales jouiront du droit d'élire leurs gouverneurs directement. C'est une approche qui devrait susciter l'appui de toute grande fédération occidentale – Allemagne, Canada, Etats-Unis – car elle risque non seulement de rétablir un lien de loyauté entre les dissidents du Sud-Est et la capitale ukrainienne, mais d'enclencher une vraie démocratisation de l'Ukraine de l'après-Maïdan. Ainsi, il n'est pas impossible que l'Etat ukrainien réduise le nombre de provinces de 24 – sans la Crimée – à un montant plus gérable – soit 8 ou 9.

Troisièmement, la Russie devrait déclarer dans un traité que la nouvelle fédération ukrainienne, suivant l'exemple de l'Australie, est indissoluble – c'est-à-dire que les nouvelles unités fédéralisées ne peuvent en aucun cas se séparer. L'Ukraine devrait enchâsser dans sa Constitution cette idée d'indissolubilité afin de contrer toute perspective de nouvelles tentatives de sécession par voie de référendum.

Quatrièmement, l'Ukraine devrait s'engager à ne jamais adhérer à l'OTAN et à ne pas permettre la construction de bases militaires étrangères sur son territoire.

Finalement, il faudra trouver un mécanisme légalo-constitutionnel intra-ukrainien – peut-être par le biais de « zones économiques spéciales » – qui permettra à certaines provinces, malgré le choix européen du gouvernement national, de continuer de jouir des avantages d'une ouverture préférentielle au marché eurasien.

On s'approche donc du dénouement. Le temps est venu pour les prudents de nos classes politiques d'appuyer les paramètres du grand accord qui devrait se construire d'ici un mois. Sinon, c'est le déluge total. Mais d'ici au printemps, il est concevable d'envisager l'émergence d'un nouvel Etat ukrainien stable et légitime pour tous les Ukrainiens et la communauté internationale, et en paix avec son plus important voisin, la Russie, à nouveau en paix avec l'Europe, et dont le regard se dirige vers le prochain Mondial de football, en Russie, en 2018.

Par Irvin Studin, rédacteur en chef du magazine « Global Brief »

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