Les devoirs du G20

Le monde continue de vivre une crise majeure, aux multiples aspects. Une reprise est actuellement perceptible, mais elle demeure fragile et trop inégalement partagée.

Face à cette crise, le G20 agit pour incarner une nouvelle réalité du pouvoir dans le monde. Mais peut-il le faire sans écouter et faire entendre la voix de ceux qui, absents des délibérations, sont dès lors réduits au silence?

Le sommet du G20, les 26 et 27 juin prochain à Toronto, rassemblera 90% du PIB mondial, mais 90% des pays seront une nouvelle fois absents de la table de négociation. Pour revendiquer un leadership économique légitime, le G-20 doit se préoccuper de tous ces pays que, déjà lors d’un précédent G20, le Commonwealth et la Francophonie ont désignés comme «le G172».

Le Commonwealth et la Francophonie, qui luttent aux côtés de leurs pays pour l’établissement d’un monde plus équilibré et mieux régulé, demandent donc au G20, dans son ensemble, et à chacun de ses membres en particulier, de prendre aujourd’hui en compte quelques réalités, mais aussi quelques priorités essentielles pour le bien commun.

Première priorité: mettre fin au scandale de l’extrême pauvreté. Il y a dix ans, on s’était entendu pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à l’horizon 2015, c’est dire dans 5 ans. Mais face à la raréfaction des ressources publiques, la stagnation de l’aide, nous n’avons d’autre choix que d’identifier de nouvelles sources de financements. La Banque mondiale estime que, pour la seule année 2010, 315 milliards de dollars sont nécessaires pour combler l’écart entre les besoins des pays en développement et les financements actuellement disponibles. Le G20 devrait mettre en place un plan d’action identifiant des sources privées de financement de développement innovant en consultation avec les premiers concernés.

Deuxième priorité: placer la situation des femmes au cœur des politiques de croissance et de développement, non pas au nom du politiquement correct, mais avec la conviction qu’elles peuvent jouer un rôle déterminant dans la réalisation des OMD. Le partage est pour l’heure largement inégalitaire: les femmes qui comptent pour moitié de la population mondiale, supportent bien plus de la moitié des conséquences de la pauvreté. Dans les pays en voie de développement, le G20 doit se pencher sur un soutien renforcé aux petites et moyennes entreprises. La part du lion de cette aide devrait aller aux agents de changement et de croissance dans la société qui ont le plus grand potentiel – les femmes. Par ailleurs, les chiffres de la mortalité maternelle et infantile demeurent révoltants: près de 500 000 femmes meurent, chaque année, en donnant la vie, et 40% des décès de nouveau-nés se produisent avant 1 mois, alors qu’il suffirait de 500 000 sages-femmes de plus dans le monde pour que la situation change.

Troisième priorité: affronter le changement climatique et le réchauffement de la planète. Par-delà les controverses sur les causes et les réponses à apporter, s’impose une réalité incontestable: ce sont les pays les moins responsables du réchauffement et les moins à même d’y remédier qui en subissent les conséquences les plus graves.

Il faut tenir les engagements pris lors de la Conférence de Copenhague, dont la mise en place rapide d’un fonds de 10 milliards de dollars pour aider les pays pauvres à s’adapter et à atténuer le changement climatique, alors que les négociations se poursuivent.

En outre, mettre en place un cadre où les plans nationaux sur les changements climatiques se verraient attribuer une «accréditation» internationale constituerait le gage d’une meilleure utilisation des sources de financement existantes, et d’un accès simplifié à ces sources, en vue de l’adaptation aux changements climatiques et de l’atténuation de leurs effets. Cette accréditation pourrait s’inspirer de l’actuel dispositif «Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté» (DSRP).

Toutes ces priorités requièrent donc une volonté politique forte et le renouvellement profond de la méthode adoptée pour financer le développement. Les pays les plus riches doivent admettre qu’ils ne pourront envisager leur avenir, sans s’engager, aussi, pour celui des centaines de millions d’hommes et de femmes qui en sont actuellement privés. Faute de quoi, le G20 ne sera qu’un groupe d’intérêt de plus dans l’histoire des relations internationales.

Kamalesh Sharma, secrétaire général du Commonwealth, et Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie.