Les droits humains sont irrésistiblement contagieux

Depuis des décennies, un très grand nombre de conventions et de pactes en faveur des droits humains ont été inscrits dans les normes internationales. Mais avec la possibilité ou non pour les Etats d’y déroger dans des circonstances exceptionnelles. Découlant directement des principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ces règles ne sont pas contraignantes. Il semble que les révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye qui ont imposé radicalement le respect des droits humains ont influencé le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La majorité des Etats qui le composent avait une fâcheuse tendance à vider de leur substance les principes qu’il est censé promouvoir. Cette fois, le Conseil a réagi rapidement et positivement et retrouvé une partie de sa crédibilité. Le Conseil des droits de l’homme a adopté par consensus la suspension de la Libye du Conseil.

Mais les violations sont toujours au cœur de l’actualité. Très souvent les mécanismes d’application de ces droits légitimes n’ont pas l’incidence espérée en matière de dignité, et la plupart des normes empêchant leur déni et leur dénigrement sont magistralement ignorées.

Il est de la responsabilité de la communauté internationale de s’assurer que les droits de l’homme soient respectés comme des normes juridiques contraignantes et absolues, il faut éviter qu’ils ne deviennent de vagues références qui laissent la porte ouverte au relativisme où se sont engouffrés des Etats et des particularismes puissants.

Heureusement, l’affaiblissement de l’application des normes est compensé momentanément par les révolutions pacifiques et citoyennes du «Printemps arabe». Puissent-elles devenir exemplaires pour supprimer les pires violations, il faut que celles-ci ne se reproduisent plus. Ce sont des signes forts contre les pessimismes et les renoncements.

Les citoyens, qu’on croyait assoupis et désorientés par un débat où dominent des conceptions juridiques complexes se sont soudain réveillés. Les peuples en Tunisie et en Egypte, tels des tsunamis, ont submergé et défait des dictatures qu’on croyait indéboulonnables. Comme on le voit, aujourd’hui les droits humains sont irrésistiblement contagieux. Cela au grand dam de certains diplomates et autres observateurs qui ont rangé le drapeau des droits de l’homme au nom du réalisme politique; ces gardiens de la realpolitik qui raillaient les «droits-de-l’hommiste» ont été démentis par les peuples. Comme le disait l’ancien ministre des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer: «On peut serrer la main à des dictateurs mais on n’est pas obligé de les embrasser.»

Les peuples viennent de le démontrer, ils aspirent aux valeurs universelles, à la liberté et au respect des droits humains. La créativité du cœur des citoyens en mouvement peut créer une onde de choc au sein même du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le «bloc» des Etats qui voulaient nous faire croire que la démocratie est une fadaise «impérialiste» s’est fissuré. Par des actes, les peuples leur ont signifié que l’aspiration à la démocratie n’est pas occidentale mais universelle. Les Etats du Conseil des droits de l’homme de l’ONU doivent désormais tenir compte de cette nouvelle donne, ils ne doivent plus faire des compromis avec les régimes prédateurs comme l’Iran, la Chine et bien d’autres. La suspension de la Libye par le Conseil crée un précédent exemplaire. Il faut profiter de cette dynamique et exiger des institutions onusiennes qu’elles rendent contraignante l’application des conventions et des résolutions qui condamnent toutes atteintes à la dignité humaine.

Par Léo Kaneman, codirecteur du Festival du film et Forum international sur les droits humains.

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