Les élections à Taïwan révèlent un nouvel échec de Pékin

Le 16 janvier, pour la première fois dans l’histoire du monde chinois, une femme non liée à une dynastie politique a été élue à la présidence de la République, démontrant ainsi la vitalité et la modernité de la démocratie taïwanaise. Mais la victoire massive de Tsai Ing-wen et du Democratic Progressive Party (DPP) s’inscrit aussi dans une suite d’échecs de la stratégie extérieure de Pékin.

Le dirigeant chinois Xi Jinping, qui cumule les fonctions de Secrétaire général du Parti Communiste et de Président de la République, est également à la tête de la commission militaire centrale et de multiples groupes de travail créés à son initiative. Depuis sa nomination en 2012, il est décrit comme doté de pouvoirs inégalés depuis Mao Zedong et Deng Xiaoping.

En effet, en politique intérieure, si les résultats économiques sont décevants, il semble, grâce à la campagne de lutte contre la corruption, avoir pu considérablement réduire le poids des clans concurrents, y compris au sein de l’armée dont la modernisation est une de ses grandes priorités. Sur internet et dans les médias, jusqu’à Hong Kong qui en théorie jouit pourtant d’un statut particulier, la reprise en main autoritaire de l’opinion publique est manifeste, souvent par l’utilisation de moyens d’un autre âge, comme les enlèvements de personnalités qui dérangent.

De nombreux échecs pour l’homme fort de Pékin

Mais sur la scène internationale, et particulièrement en Asie, cette stratégie de l’affirmation de puissance s’est en réalité traduite par une série d’échecs majeurs. Quelques semaines après la rencontre très médiatisée entre le président chinois et son « homologue » taïwanais Ma Ying-jeou, le parti de ce dernier a subi une défaite majeure aux élections présidentielles. Bien sûr les enjeux économiques, qui résultent aussi des incertitudes suscitées par une trop grande dépendance à l’égard du marché chinois, ont pesé. Mais au-delà de cette dimension importante, c’est aussi le malaise suscité par la stratégie agressive de Pékin face aux opposants, y compris à Hong Kong, qui a joué un rôle dans le refus d’un rapprochement trop étroit avec le régime chinois porté par le Kuomintang, le parti nationaliste chinois à Taïwan.

De même en Asie du Sud-Est, la stratégie d’affirmation de puissance voulue par Pékin, notamment en mer de Chine, avec la poursuite du bétonnage des micro-îlots occupés par la République Populaire de Chine (RPC) et le rejet de tout arbitrage international, a entraîné un renforcement des coopérations militaires entre les États-Unis, les Philippines, le Vietnam et Singapour et plus généralement un accueil favorable au « retour » de Washington dans la région ; et même à un rôle plus important du Japon en matière de sécurité.

Avec Tokyo, les tensions autour des Senkaku et la multiplication des campagnes anti-japonaises dans les médias et sur internet depuis 2012 sont très largement à l’origine de l’augmentation, pour la première fois depuis plus de 10 ans, du budget de la défense et des nouvelles lois de sécurité proposées par le gouvernement Abe, qui en la matière a poursuivi les initiatives de ses prédécesseurs.

Une stratégie déstabilisatrice pour l’ensemble de la région

Mais c’est aussi la montée des inquiétudes du Japon face à la Chine qui explique le rapprochement inattendu entre Tokyo et Seoul et la signature d’un accord sur la question des femmes de réconfort à la fin de l’année 2015. En la matière, en dépit d’une forte opposition interne, la Présidente sud-coréenne, comme le premier ministre japonais, ont su faire preuve d’un grand pragmatisme qui devrait déboucher sur un approfondissement de la coopération militaire, notamment en matière de renseignement.

Enfin, toujours dans la péninsule coréenne, le quatrième essai nucléaire nord-coréen est un défi direct à une Chine qui ne veut pas choisir entre les risques de la nucléarisation de fait de la Corée du Nord et la crainte d’abandonner son seul véritable allier dans la région, même si c’est un allier difficile à contrôler.

Tout ceci fait beaucoup d’échecs pour l’homme fort de Pékin, reste à savoir si le pragmatisme dont la Chine a su faire preuve depuis les débuts de la politique de réforme permettra de remettre en cause une stratégie fortement déstabilisatrice pour l’ensemble de la région ou si, pour répondre à des tensions internes croissantes, la tentation du repli politique et de la fuite en avant nationaliste l’emportera, au risque de nuire durablement à l’image et aux intérêts de la Chine.

Valérie Niquet est responsable du pôle Asie à la fondation pour la recherche stratégique.

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