Les grandes villes au premier rang du combat environnemental

Copenhague, sommet en demi-teinte? Nombreux sont les commentateurs qui, déjà, semblent se résigner. Pas nous. Décideurs de grandes collectivités, nous appelons, au contraire, à des choix courageux, quelle que soit la complexité évidente de la situation.

Grandes émettrices de gaz à effet de serre, les villes contribuent largement au changement climatique à travers le trafic routier, les activités industrielles, la nature du bâti ou encore l'éclairage public. Dans le même temps, la localisation - souvent en zone côtière - et surtout la densité démographique de ces métropoles en feraient les premières victimes d'une dégradation sensible du climat.

C'est pourquoi, très tôt, les élus locaux ont pris la mesure de cette "responsabilité urbaine" dans la lutte contre le changement climatique. Dire qu'il faut désormais "des actes" ne suffit pas : il faut les poser. C'est ce que font les villes, et sans doute sont-elles les premières à l'avoir fait en cohérence, à partir d'une vraie démarche stratégique. Notamment à travers l'élaboration de "plans climat" qui fixent des objectifs très exigeants et visent à agir sur tous les leviers : diversification des modes de transport, covoiturage, auto-partage, amélioration de la performance énergétique des bâtiments, développement volontariste des énergies renouvelables et recyclage des déchets.

Cet engagement concret désigne les collectivités territoriales comme des acteurs crédibles et actifs dans ce combat pour l'avenir de la planète. De façon encore insuffisante mais de plus en plus significative, leur rôle est d'ailleurs reconnu par les instances internationales. Comment ne pas mentionner ici l'adoption de la Charte des villes européennes pour la durabilité signée à Aalborg (Danemark) en 1994, ou encore l'initiative prise courageusement par un millier de maires américains pour respecter, à leur niveau, le protocole de Kyoto ?

Plus récemment encore, et six mois avant le sommet de Copenhague, ce sont les villes et les régions du monde qui se réunissaient dans la capitale danoise, afin de faire entendre une voix fondée sur l'expérience et le souci du résultat. Et cette culture du résultat repose toujours sur les mêmes ingrédients : partenariats, échange de savoir-faire, objectifs identifiés, échéanciers précis. Au niveau global, les enjeux sont certes plus complexes encore. Pour autant, Copenhague doit constituer un cap significatif dans cette course contre la montre que l'humanité a engagée.

A notre sens, un accord équilibré devrait donc comprendre au minimum trois éléments :

Première condition, un engagement clair des pays développés, hors duquel prétendre limiter le réchauffement planétaire à 2 °C d'ici à 2050 serait illusoire. A ce titre, chacun le sait, une lourde responsabilité pèse sur l'administration américaine. Nous voulons croire en la détermination du président Obama à obtenir un accord au Congrès, afin que le "cahier des charges" que son pays se fixera à lui-même permette de dépasser l'attentisme actuel. L'équipe précédente, il est vrai, maintenait la Maison Blanche dans une attitude figée.

Face à la gravité du contexte, les Etats-Unis affichent aujourd'hui un tout autre état d'esprit, positif, source d'espoir et qui, s'il trouve le prolongement attendu, peut débloquer la situation. Le dialogue avec la Chine semble dessiner des perspectives encourageantes. Rappelons d'ailleurs que ces derniers mois, avec l'Inde ou le Brésil, les dirigeants chinois ont appelé leurs interlocuteurs américains à des engagements ambitieux à l'échéance de 2020 : requête légitime à laquelle ils conditionnent la définition de leurs propres objectifs. Puisque rien ne se fera sans ces pays, leurs attentes doivent être prises en considération, profitables, en vérité, à l'ensemble des protagonistes.

Autre enjeu impératif : le soutien au continent africain, pour lequel la menace environnementale est la plus intense et dessine les perspectives les plus graves. Là aussi, la communauté internationale doit prendre ses responsabilités. Pour ce faire, il serait opportun d'explorer de nouvelles pistes de financement pérennes.

A titre d'exemple, en intensifiant la mise aux enchères des quotas d'émission de CO2, l'Union européenne pourrait dégager des marges de financement de l'ordre de 30 à 60 milliards d'euros par an qu'il serait légitime de redistribuer aux pays en développement, afin de soutenir à la fois leurs efforts d'atténuation des émissions et d'adaptation aux effets du réchauffement climatique.

Nous sommes prêts à contribuer à cette dynamique de solidarité par le renforcement d'une coopération décentralisée déjà active.

L'apport des pays les plus riches devra également se traduire par des transferts technologiques dont il conviendra de revoir les modalités en profondeur pour éviter certaines dérives qui ont parfois marqué la mise en oeuvre des "mécanismes de projet" prévus par le protocole de Kyoto.

Deuxième condition : face au réchauffement climatique, les pays doivent assumer une responsabilité commune, quoique différenciée. Les pays émergents ont évidemment moins contribué que ceux du Nord à la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Pour autant, il serait dangereux - pour eux comme pour la planète - de les voir s'engager sur une trajectoire de développement insoutenable. La Chine, aujourd'hui premier émetteur de CO2, l'a d'ailleurs bien compris. Sans imposer aux grands pays émergents des critères drastiques, il est néanmoins évident que le défi de maîtrise des émissions de CO2 les concerne également au premier chef, dans le cadre de ces négociations. Hypothèse raisonnable : à échéance 2050, ces pays pourraient s'engager à ce que leurs émissions par tête ne dépassent pas le niveau visé par l'UE pour 2020.

Enfin, troisième proposition, des mécanismes contraignants devront être définis pour assurer le respect des engagements de chacun. Face au besoin impérieux de régulation planétaire en matière d'environnement, nous plaidons pour la création d'une véritable organisation mondiale de l'environnement qui aurait vocation à assurer le contrôle des engagements de chacun - y compris sur la gestion des transferts financiers - et dont l'appui technique pourrait faciliter le déroulement des futures négociations.

Copenhague ne posera sans doute que la première pierre sur le long chemin que les hommes doivent tracer pour réinventer des modes de développement plus respectueux de leur environnement et plus attentifs aux générations futures. Or, pour aller plus loin, nous avons besoin que se noue, dès à présent, un véritable pacte qui jettera les bases du monde dans lequel nous voulons vivre demain. Jusqu'au 18 décembre, Copenhague est la "capitale du futur" : maires et décideurs locaux du monde entier, nous attendons des dirigeants de nos pays qu'ils se montrent à la hauteur d'une responsabilité historique.

Augusto Barrera, maire de Quito, Simon Compaoré, maire d'Ouagadougou, Antonio Costa, maire de Lisbonne, Bertrand Delanoë, maire de Paris et président de Cités et gouvernements locaux unis, Marcelo Ebrard Casaubon, maire de Mexico, Michael Häupl, maire de Vienne, Ron Huldaï, maire de Tel-Aviv, Daisaku Kadokawa, maire de Kyoto, Amazonino Mendes, maire de Manaus, Amos Mosando, maire de Johannesburg et vice-président de CGLU, Sten Nordin, maire de Stockholm, Eduardo Paes, maire de Rio de Janeiro, Kadir Topbas, maire d'Istanbul et vice-président de CGLU, et Klaus Wowereit, maire de Berlin.