Les migrations à l’épreuve du réchauffement climatique

Occupant les fonctions d’ambassadeur des Etats Unis au Nigeria au début des années 1990, j’avais observé de visu les flux migratoires saisonniers de populations venant des régions sahéliennes arides vers les plaines côtières prospères d’Afrique de l’Ouest.

A l’époque, ces migrations étaient essentiellement internes ou régionales, des zones rurales déprimées vers des pôles économiques urbains, qui ont depuis connu une croissance exponentielle comme le prouve la jungle urbaine de Lagos.

Pendant la saison sèche, les populations nomades de langue hausa venant du Niger entamaient un véritable exode vers les régions plus fertiles du nord du Nigeria, du Bénin, du Togo, du Burkina Faso ou encore de la Côte d’Ivoire.

Ces flux migratoires à caractère saisonniers constituaient autant de soupapes de sécurité qui permettaient aux communautés affectées de s’adapter aux changements climatiques et à la détérioration de leur environnement, en partie responsables d’une pauvreté et d’une insécurité alimentaire croissantes.

Dans les pays d’accueil, ces migrants venaient à point nommé puisqu’ils comblaient les besoins en main-d’œuvre, par exemple dans les grandes plantations de café et de cacao, mais également dans les secteurs des services, de la construction et de la petite distribution.

Plus récemment, en Afrique comme dans d’autres régions du monde en développement, ces stratégies d’adaptation de mobilité saisonnières ont changé pour devenir plus permanentes. Aujourd’hui, nombre de ces nouveaux migrants environnementaux n’ont d’autre choix que de s’installer dans des zones urbaines surpeuplées et souvent insalubres, génératrices de xénophobie et de violences à l’encontre de ceux qui ne peuvent simplement plus se nourrir de leur terre.

Cette immigration d’installation régionale vient souligner les efforts et le défi que la communauté internationale devra déployer et relever pour atténuer les conséquences migratoires de ces changements climatiques sur des populations vulnérables, en Afrique et de par le monde.

A Bali en 2007, la communauté internationale avait identifié un groupe de pays particulièrement vulnérables aux changements climatiques. Parmi ceux-ci, les 49 pays les moins avancés, dont la majorité sont en Afrique, ainsi que les petits Etats insulaires en développement.

Aujourd’hui plus que jamais, l’Afrique demeure particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique et à la dégradation de son environnement puisqu’une baisse de 50% de sa production agricole due au manque d’eau affecterait 70% de sa population. Quant à l’existence des petits Etats insulaires, elle pourrait tout simplement être remise en cause par une élévation du niveau de la mer et par une accélération des événements climatiques extrêmes. En tout, se sont plus de 325 millions de personnes qui sont directement affectées par ces dérèglements climatiques, la plupart d’entre elles vivant dans des pays pauvres.

Or ces pays ne pourront faire face à ces défis que s’ils intègrent dès aujourd’hui ces variations climatiques et leurs conséquences dans leurs politiques de développement. Et cela ne pourra se faire sans l’aide technique et financière des pays industrialisés, responsables en grande partie de ces chambardements.

Au sommet de Copenhague, les dirigeants des pays industrialisés auraient donc tout intérêt à faire plus que de simplement prendre note des besoins d’un monde en développement qui subit déjà de plein fouet les effets pernicieux du changement climatique.

Un engagement volontaire de leur part sur des objectifs de financement ambitieux et contraignants est aujourd’hui plus que nécessaire. Et cela ne devrait pas se faire au détriment de l’aide publique au développement, déjà affectée par la crise économique mondiale.

La communauté internationale gagnerait également à accepter le principe d’une plus grande mobilité des personnes qui devront migrer, temporairement ou définitivement, afin de s’adapter ou de survivre aux changements climatiques. Celle-ci faciliterait par ailleurs l’acquisition et le partage de connaissances et de savoir-faire qui permettraient aux pays en développement d’établir des stratégies efficaces d’adaptation aux changements climatiques, dans le domaine de la santé par exemple puisque le réchauffement de la planète favorise déjà la propagation de nombreuses maladies.

La communauté internationale réunie à Copenhague aurait donc tout à gagner à mettre la mobilité des personnes affectées par les changements climatiques au centre de ces réflexions car cette mobilité est inéluctable.

Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons la gérer humainement et trouver des réponses susceptibles d’assurer le développement et la sécurité collective dans un monde en pleine mutation.

William Lacy Swing, directeur de l’Organisation internationale pour les migrations.