Les raisons de l’impasse au Venezuela

Les mobilisations et la grève générale lancées par l’opposition ont été marquées par une répression démesurée et des violences meurtrières. Après trois mois et demi d’affrontements entre les partisans du président vénézuélien Nicolas Maduro et ses opposants, on déplore plus d’une centaine de morts, des opposants assassinés, des étudiants jugés par des tribunaux militaires, des médias contraints à l’autocensure ou à la fermeture, des journalistes et même des magistrats arrêtés.

On pourrait gloser à l’infini sur les raisons de ce qui apparaît désormais comme une impasse, aussi bien au niveau national qu’à l’échelle internationale. Dégradation d’un pouvoir aux mains d’un leader dépourvu de charisme, téléguidé depuis Cuba, pénuries alimentaires et de médicaments, auxquelles s’ajoutent des divisions au sein du « chavisme », comme en témoigne la défection de la procureure Luisa Ortega.

Depuis la décision prise par la Cour suprême dans la nuit du 29 au 30 mars de s’octroyer les pouvoirs de l’Assemblée nationale élue fin 2015 – majoritairement antichaviste pour la première fois en dix-sept ans –, l’opposition appelle à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée, avant la date prévue par le calendrier officiel en décembre 2018.

Cette crise politique survient dans un contexte d’effondrement économique lié à la chute des cours du pétrole et à l’inflation, à la fois héritage du régime précédent et garantie de sa politique sociale et de son système de prébendes, et résultat de la gestion calamiteuse du « successeur » de Chavez.

Etroite marge de manœuvre étroite

Les forces armées, arbitre en puissance d’un système politique caractérisé par des conspirations prétoriennes récurrentes – le cas de Chavez lui-même en 1992 puis de la tentative de coup d’Etat à son encontre en 2002 –, pratiquent l’attentisme, tout en régnant sur une partie de l’économie, voire de l’exécutif. Des communiqués viennent toutefois rompre ce silence, tel celui diffusé récemment sur les réseaux sociaux par le mouvement Anonymous Venezuela.

Face à la crise politique et humanitaire, les tentatives de médiation du Mexique, de la Colombie, du Mercosur – Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay –, ou encore les appels lancés depuis le Parlement européen sont restés lettre morte. L’Organisation des Etats américains (OEA), médiatrice lors de précédents conflits sous la présidence de Chavez, n’a eu que peu d’influence sur la résolution de la crise. Dénonçant la « dictature », son secrétaire général Luis Almagro a réclamé des élections libres anticipées et transparentes et la libération des prisonniers politiques, offrant sa démission  – « suggérée » par le président Maduro – en échange du retour du Venezuela au sein de l’OEA.

La marge de manœuvre de la communauté internationale est des plus étroites. Les sanctions annoncées par les Etats-Unis en cas d’élection de l’Assemblée nationale constituante prévue par Maduro le 30 juillet – rejetée par plus de sept millions d’électeurs lors du plébiscite organisé par l’opposition le 16 juillet – reposeraient en effet sur la suspension des approvisionnements américains en pétrole – 8 % des importations américaines de brut mais 92 % des exportations et principale source de devises du Venezuela.

Avec pour résultat d’accentuer l’asphyxie de l’économie et la récession dans le secteur pétrolier (via la filiale de la compagnie pétrolière publique vénézuélienne Petroleos de Venezuela SA (PDVSA) aux Etats-Unis, Citgo), tout en allant dans le sens du discours anti-impérialiste et de l’alibi de « guerre économique » brandi depuis des années par Maduro.

Des conditions de vie de plus en plus difficile

PDVSA se verrait alors dans l’obligation d’importer à un coût prohibitif des produits raffinés et solvants, les Etats-Unis reportant leurs importations (les 750 000 barils de brut lourd du Venezuela) sur l’offre mexicaine, canadienne, voire des pays du Golfe persique. Les exportations de pétrole vénézuélien en seraient pénalisées : vendre à la Chine ne reviendrait qu’à amortir la dette contractée, sans pouvoir rivaliser avec le pétrole lourd du Golfe persique, aux coûts de transport moindres.

Pour une production actuellement estimée à 2,1 millions de barils de brut/jour, 500 000 sont destinés au marché intérieur, de 500 000 à 650 000 au règlement de la dette extérieure, près de 100 000 à Cuba et Petrocaribe. Restent 800 000 barils exportés vers les Etats-Unis.

Le modèle de « résistance » du chavisme s’appuierait par ailleurs sur un antécédent notoire : celui de Cuba, longtemps isolée du reste du monde mais soutenue par l’Union soviétique, puis par le Venezuela de Hugo Chavez. L’embargo de 1962 ne contribua pas à la chute du régime castriste et ne fit que rendre plus difficiles les conditions de vie de la population. Un autre facteur réside dans le fait que le gouvernement vénézuélien a placé sa confiance en Cuba et en Raul Castro, seul acteur international à même d’amorcer le dialogue avec son alter ego vénézuélien et d’ouvrir des négociations.

Par Frédérique Langue, directrice de recherches au CNRS/Institut d'histoire du temps présent.

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