Les républicains devraient s'unir contre l'aberration du voile intégral

D'abord, sortons de l'ambiguïté et des éternels procès bidons que de bonnes âmes en quête de fonds de commerce ne manquent jamais de faire. La plus haute autorité de la mosquée et de l'université d'Al-Azhar, le cheikh Mohammed Saïd Tantawi, a formellement condamné le port de la burqa et a demandé l'interdiction du voile intégral pour toutes les étudiantes de son université.

Traitera-t-on le cheikh Tantawi d'islamophobe ? Ne riez pas tous à la fois ; dans cette lamentable affaire, il n'y a vraiment pas de quoi se réjouir.

Pour une fois, la France républicaine, démocrate et laïque, la France des Lumières et de la diversité au service des libertés aurait dû s'unir contre cette aberration qui consiste à enfermer des femmes sous le seul prétexte de leur sexe, dans une prison ambulante dont elles ne doivent se séparer que dans l'intimité de leur domicile et uniquement sur autorisation de leur seigneur et maître.

Laissons de côté les arguments religieux, féministes, sociologiques et autres sujets de controverse qui permettent évidemment toutes les manipulations. Tout simplement, tout fondamentalement, quiconque accepte qu'un visage soit couvert nie l'humanité de l'autre. Quiconque accepte de côtoyer un être vivant, entièrement recouvert, emballé comme un sac, intégralement masqué, et donc sans aucune identité visible, se fait, qu'il le veuille ou non, le collaborateur de cette vile et insupportable négation.

Qui, en effet, se cache depuis toujours le visage ? Les bourreaux. Les égorgeurs accomplissant leurs crimes. Les racistes du Ku Klux Klan. Les esclaves perdus des tristes comédies sadomasochistes. Les pénitents de rituels médiévaux, ou encore, plus quotidiennement, les voleurs, braqueurs, et autres hors-la-loi, pour qui l'anonymat est une seconde nature.

Sans parler des pédophiles et autres crapules sexuelles et criminelles qui ne peuvent que se dissimuler. Est-ce cela vraiment qu'on veut permettre à certaines femmes, sous le prétexte que c'est "leur" culture, "leur" coutume, "leur" tradition et que nous, Occidentaux, évidemment colonialistes et coupables, n'avons pas à nous en mêler ?

Ce multiculturalisme de pacotille, brandi en étendard depuis quelques décennies par les "collabobos" de la gauche Marrakech et de la droite isolationniste, a fait assez de ravages pour que l'on n'y mette point désormais le holà. Non, tout ne se vaut pas et tout ne peut pas se permettre, au nom du soi-disant respect de l'oppression séculaire transformé en valeur par un relativisme civilisationnel qui n'est, on le sait, que l'hommage putride rendu par la lâcheté à l'absolutisme.

Un appendice vassalisé

Le fait que des hiérarques du Parti socialiste prennent position contre une loi interdisant la burqa dans l'espace public, en dit long sur la dégénérescence d'une certaine gauche qui n'appuie les opprimés que quand l'Occident est l'oppresseur, laissant les dictatures mutiler leur propre peuple dans une impunité toujours présente.

Et que dire des anciennes féministes du Mouvement de libération des femmes (MLF) et des militants homosexuels, qui restent muets quand une jeune fille est vitriolée dans une cave d'immeuble parce qu'elle n'a pas fait le bon choix, ou quand un jeune se fait régulièrement tabasser parce qu'il n'adopte pas le machisme de la cité ? Assourdissant silence du camp du Bien.

Mais sortons des cités. Qui, en 2010, proteste quand, dans une grande ville du Nord, des piscines municipales acceptent des horaires réservés aux femmes et d'autres aux hommes ? Qui réagit quand des gynécologues masculins se font agresser parce qu'ils osent examiner une femme ?

Qui ose bouger quand, dans un train de banlieue, six courageux encapuchonnés massacrent un étudiant qui leur paraissait un peu trop bourgeoisement vêtu ? Et dire que certains sociologues bien dressés assimilent cette "incivilité" à la lutte des classes...

En fait, tout le monde connaît l'enjeu véritable. La quasi-totalité de nos élites politico-médiatiques se font éperdument autruches en attendant le prochain incendie. Ce qui se passe, c'est que depuis quatre-vingts ans, des générations d'islamistes radicaux veulent prendre en otage plus d'un milliard de musulmans qui ne demandent qu'à vivre en paix, en sécurité et dans le développement, pour les embrigader dans l'avènement du califat mondial millénaire et l'instauration de la charia pour tous les moments de leur vie.

Pour ceux-là, quiconque refuse de se plier à la totalité par eux proclamée, sera au mieux un citoyen de seconde zone, et au pire, éliminé pour malfaisance. Ils s'en foutent bien de la burqa. Celle-ci est d'abord un des moyens de tester la porosité apeurée des opinions publiques en terre de mission européenne, entre assassinat de cinéaste et agression de caricaturiste.

Si notre continent est appelé à devenir un appendice vassalisé du Talibanistan, il n'y a effectivement qu'à laisser faire. Est-ce vraiment ce que veulent les hiérarques d'un parti qui ose se dire socialiste ? Quant aux autres, ceux qui ont la naïveté de croire encore à liberté-égalité-fraternité-laïcité, il leur reste un seul devoir : celui de résistance.

André Bercoff, écrivain et journaliste.