Les robots ont-ils des droits? Le débat s’intensifie

Les robots ont-ils des droits? Le débat s’intensifie

Dans le long-métrage «Her» de Spike Jonze sorti en 2014, Theodore Twombl – campé par un extraordinaire Joaquin Phoenix – développait, dans un futur proche mais non daté, des sentiments amoureux pour un programme informatique s’exprimant par le truchement d’une voix féminine paramétrable, pleine de charme, de délicatesse et de drôlerie.

Science-fiction assumée, mais non moins réaliste du fait de l’implacable constat que l’humain était sans nul doute capable de porter des sentiments à la machine et de lui en prêter en retour, ce film ouvrait le champ des possibles et surtout des angoisses, rappelant au passage que l’humanoïde promis par les fictions de genre ne prendrait pas forcément l’apparence d’un gros robot rouillé à forme humaine et yeux clignotants et que l’ultra moderne solitude chère à Alain Souchon revêtait décidément de bien nombreuses formes.

L’omniprésence de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde fictionnel entraîne nécessairement des assimilations fantaisistes que les médias nourrissent parfois à coups de raccourcis trompeurs. Ainsi, ne lisait-on pas, lors de la perte de contact avec le robot spatial Philae – envoyé à la poursuite de la comète Tchouri – qu’il fallait craindre sa «mort», terminologie usuellement réservée aux êtres vivants?

La discussion s’intensifie

Si, à première vue, la question peut se cantonner à un simple glissement lexical, il n’en est toutefois rien puisque la très brumeuse notion d’IA préside désormais à une importante réflexion internationale sur le droit des robots. Cette discussion, fruit d’un curieux aréopage de savants, de juristes spécialisés et de commentateurs autoproclamés, peine pour l’heure à dégager des lignes de forces claires, navigant à vue entre considérations technologiques, futurologie, pragmatisme et légistique.

Avant de passer au crible les débats qui agitent le droit de la robotique, tentons de définir le robot, préalable nécessaire à toute analyse. Selon Alexandra Bensamoun, directrice du Centre d’Etudes et de Recherche en Droit de l’Immatériel (CERDI) on peut le décrire comme un dispositif mécatronique, alliant de la mécanique, de l’électronique et de l’informatique.

Or, comme on le verra, la première difficulté surgit de cette hétérogénéité initiale et définitionnelle: l’alliance du matériel et du logiciel.

Que dit le droit suisse?

En droit suisse actuel, le robot, quelle que soit l’expression de sa forme matérielle, qu’il revête les traits d’un humanoïde ou d’un chien en plastique, doit être considéré comme une chose mobilière au sens des articles 641 et suivants du Code civil. Pour autant, naturellement, que l’on n’y inclue pas les dispositifs exclusivement logiciels et, dès lors, sans forme palpable.

Qui est responsable?

En termes de responsabilité, le robot étant assimilé à une machine quelconque, un éventuel dommage causé à des tiers sera classiquement attribué à son utilisateur ou à son propriétaire. Ce n’est que si le dommage a été causé par un défaut de fabrication ou de conception que les actes du robot pourraient – possiblement – être imputés en termes de responsabilité au fabricant ou au vendeur, suivant en cela les règles classiques prévues dans le contrat d’entreprise, celui de vente ou encore découlant de la responsabilité dite du fait des produits.

La guerre fait rage sur les nouveaux enjeux

Si tous les observateurs s’entendent sur le fait que ce régime n’a de sens que jusqu’au moment où l’IA – appelons la autonomie tout à la fois par commodité et souci de précision – ne rompt pas entièrement la causalité entre la programmation et/ou les actes et abstentions de l’utilisateur, d’une part, et le comportement effectif du robot, de l’autre, la guerre fait en revanche rage sur les véritables enjeux juridiques de la robotique actuelle et future et sur les stratégies à anticiper.

Nicolas Capt, avocat.


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