Les socialistes espagnols décident enfin de laisser Mariano Rajoy gouverner

Victoire, ce dimanche à Madrid, pour Susana Diaz, la présidente d’Andalousie, et son homologue d’Aragon, Javier Lamban. © Andrea Comas/Reuters
Victoire, ce dimanche à Madrid, pour Susana Diaz, la présidente d’Andalousie, et son homologue d’Aragon, Javier Lamban. © Andrea Comas/Reuters

Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE; voir ici son communiqué) a fini par décider, ce dimanche, après dix mois de tergiversations et par 139 voix contre 96, de laisser le conservateur du Parti populaire (PP) Mariano Rajoy former un nouveau gouvernement. Il met ainsi un terme à la paralysie politique en évitant de troisièmes élections législatives en une année, après que le PP se fut retrouvé sans majorité absolue et sans alliés.

Le «truc pour sauver la face»? Désormais sous l’influence de leur «valeur montante», la présidente de la région d’Andalousie, Susana Díaz Pacheco, les délégués socialistes réunis à Madrid voteront «non» au leader du PP au premier tour du vote de confiance et s’abstiendront au second. Ce, pour permettre – à la majorité simple – au chef intérimaire du gouvernement, au pouvoir depuis fin 2011, de former un gouvernement. Un exécutif minoritaire, donc, très faible, appuyé par seulement 137 députés sur 350, qui devra guider un pays qui est juste en train de sortir d’une crise économique dévastatrice, avec un taux de chômage de 20%.

Invectives et menaces

Mais tout reste à faire. Pour le PP, gouverner sans majorité parlementaire. Et pour le PSOE, se remettre de ses graves fractures après qu’il a été battu en brèche par le parti anti-austérité Podemos. Son comité fédéral a pris sa décision après un débat bien ordonné, qui tranchait sur les invectives et les menaces entendues lors de la réunion chaotique du 1er octobre dernier, lorsque le secrétaire général du parti, Pedro Sanchez, avait démissionné de manière forcée. Il refusait, lui, catégoriquement de laisser Mariano Rajoy se maintenir au pouvoir.

Pour le PSOE, «ce doit être une décision déchirante», selon l’éditorial d’El País (centre gauche). «Par conséquent, il est nécessaire d’avoir le plus grand respect pour ceux qui ont préconisé l’abstention» face à leurs camarades qui dénonçaient «une trahison des idées» de gauche. La manière «correcte et sereine» dont la décision a été adoptée devrait cependant permettre d'«ouvrir la voie à la restauration de l’unité», après «une troisième défaite consécutive du clan de l’ancien secrétaire général».

Le «sens de l’Etat» des socialistes

Certes, les socialistes auraient pu – ou dû – agir «en décembre dernier, après leurs mauvais résultats lors des élections ou, au plus tard, en juin, après leur autre défaite historique». Mais reconnaissons leur (tardif) «sens de l’Etat, plus développé qu’au PP, malgré une rhétorique patriotique très encline à l’opportunisme». Une fois la crise passée, ils pourront «commencer à réfléchir à la façon de travailler dans l’opposition et être en mesure de proposer ensuite l’alternance».

«Un giro histórico»: même El Mundo, pourtant peu soupçonné de sympathies à gauche, loue «ce tournant historique des socialistes». Ainsi l’Espagne peut maintenant éviter de «se ridiculiser de nouveau sur le plan international». Mais pour le quotidien conservateur, le PSOE aura fort à faire pour «souder les rangs» et éviter les dissensions avec les plus radicaux d’entre eux, dont les indépendantistes catalans.

«L’abîme qui se creuse avec les militants»

A ce propos, France 24 précise, avec l’Agence France-Presse, que «le plus probable est que ce sera une législature», de moins de quatre ans, comme le prévoit le politologue Pablo Simon, de l’Université Carlos III de Madrid. «Les socialistes, ainsi que Podemos et les libéraux de Ciudadanos, les deux nouveaux partis qui ont bouleversé les équilibres au parlement, sont décidés à mener la vie dure aux conservateurs. Mais pour le PSOE, le plus ancien parti d’Espagne, le mal est fait. Beaucoup d’élus craignent de se couper de leur base en s’abstenant en faveur de Rajoy, après avoir promis de mettre fin à son règne».

Ainsi du chef des socialistes catalans, Miquel Iceta Llorens, qui «redoute plus l’abîme qui se creuse avec les militants et les électeurs que de troisièmes élections». «Laisser le PP gouverner est une mauvaise affaire pour le Parti socialiste mais surtout pour l’Espagne, renchérit la présidente de la région des Baléares, Francina Armengol». D’ailleurs, le comité fédéral du PSOE «n’a pas décidé si le jour du vote décisif, le 29 ou le 30 octobre prochain, les députés du PSOE s’abstiendront en bloc, ou si ce seront seulement 11 d’entre eux, le minimum requis pour laisser la voie libre à Mariano Rajoy».

«Le nouveau gouvernement va suer»

Et «tout cela pour quoi?» se demande le quotidien catalophone El Punt-Avui. Le PSOE a fait ce qu’il fallait «pour rendre les choses plus faciles pour le PP dans quatre jours, mais le nouveau gouvernement espagnol va suer, se fatiguer, et peut-être Rajoy sera finalement obligé de convoquer ces troisièmes élections tant redoutées». Et de conclure, «comme le dit Obélix: «Ils sont fous, ces Espagnols!» (dans lesquels l’éditorialiste n’inclut évidemment pas les Catalans)».

Olivier Perrin

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