Les stress tests sont-ils un gage de solidité du système bancaire européen ?

La Banque centrale européenne (BCE) vient de dévoiler les résultats des stress tests, auxquels ont été soumises les 130 banques les plus importantes de la zone euro, qui représentent 85 % du système bancaire de la zone. Et le moins que l’on puisse dire est que, en dehors principalement de l’Italie, les cris de victoire raisonnent.

En effet, « seules » 25 banques ont échoué et la France compte 100 % de réussite… Mais peut-on vraiment en déduire que les banques européennes sont désormais suffisamment solides pour supporter toutes les crises ?

Commençons par rappeler que ces tests de résistance complètent un passage en revue de la qualité des actifs (Asset quality review, AQR), dont l’objectif était de vérifier que les banques n’avaient plus de cadavres dans leur placard.

Les tests ont été conçus par l’Autorité bancaire européenne (EBA), avec l’aide du cabinet privé Oliver Wyman, pour mesurer la capacité des banques à supporter des chocs économiques et financiers : déflation, récession, hausse des taux d’intérêt, hausse du chômage, chute du marché immobilier, etc.

Scénario noir encore très optimiste

Le but recherché est tout à la fois de prouver que les banques sont suffisamment capitalisées pour supporter une nouvelle crise sans aide des États et de démontrer que la toute nouvelle Union bancaire, qui a prévu la mise en place d’une supervision directe de 130 banques de la zone euro à compter du 4 novembre 2014, est capable de faire face aux difficultés des établissements bancaires.

Ces tests s’appuient ainsi sur la création de deux scénarios : l’un est un scénario macroéconomique stable basé sur les estimations de la Commission européenne, l’autre est un scénario de crise. Une banque aura réussi aux tests si son ratio de fonds propres durs « Core Tier 1 » (dits CET1) reste supérieur à 8 % pour le scénario moyen et 5,5 % pour le scénario noir.

Et c’est là que se trouve le premier problème.

Certes, les critères retenus pour les stress tests 2014 sont plus sérieux que ceux de 2010, qui avaient conduit à déclarer solides les banques irlandaises à la veille de leur faillite retentissante… Mais le scénario noir reste encore très optimiste sur l’évolution du taux de chômage (12,2 % en France et 21,6 % en Grèce en 2016) et n’entrevoit qu’une faible déflation d’ici à 2 ans, alors même que les déclarations de Mario Draghi témoignent d’une inquiétude grandissante à ce sujet.

En outre, au vu de l’ampleur des krachs boursiers depuis 1987, l’hypothèse retenue est trop généreuse, d’autant que la récente panique sur les marchés a démontré un retour de l’aversion au risque. Quant à l’hypothèse d’une récession courte et peu intense qui céderait rapidement sa place à la croissance, elle ignore la dégradation de l’économie réelle et les travaux des économistes Larry Summers et Robert Gordon qui laissent entendre que nous allons entrer dans une période de grande stagnation économique.

Illusion

Enfin, et surtout, ces tests font la part belle à la régulation quantitative des risques bancaires et laissent à penser que la totalité du risque peut être mesurée par un chiffre.

Or, la question du maintien de certains pays au sein de la zone euro est toujours ouverte et n’est pas prise en compte dans ces tests malgré les conséquences que cela aurait sur les bilans bancaires, démontrant au passage que les cygnes noirs restent des impensés.

Au reste, croire que de tels tests permettront de réduire le risque systémique en Europe est une illusion du même type que celle qui consiste à se persuader que le risque systémique a disparu en France, suite au vote de la pseudo-loi de séparation bancaire.

Car tant qu’il n’y aura pas une vraie volonté politique de dissocier la banque qui finance l’économie réelle de la banque casino, de stopper la spéculation, de réduire la taille des établissements bancaires réputés « too big to fail » (« trop gros pour faire faillite ») et la consanguinité qui perdure entre les mondes bancaires et politiques, les crises bancaires continueront à se multiplier… Et ce même si les ratios prudentiels sont respectés !

55 milliards d’euros ? C’est bien peu

La faillite, cet été, de la première banque portugaise Banco Espirito Santo a du reste rappelé toute la pertinence de ces questions, d’autant que le Fonds de résolution unique n’entrera en vigueur que très progressivement jusqu’en 2025 et ne sera doté que d’environ 55 milliards d’euros. 55 milliards d’euros pour sauver le système bancaire européen ? C’est bien peu lorsqu’on sait que le sauvetage des banques espagnoles avait mobilisé à lui seul 40 milliards d’euros en 2012 !

En définitive, il y a fort à parier que si une catastrophe bancaire arrivait les États seraient à nouveau obligés de s’endetter pour sauver les banques. Sauf que cette fois les États ne disposeront plus de marges de manœuvre suffisantes…

L’esprit de la supervision bancaire européenne, à savoir éviter qu’une crise bancaire ne se transforme en crise de la dette au sein de la zone euro, sera donc inévitablement bafoué tout simplement parce que l’Union bancaire ne cherche pas à se donner les moyens d’éviter une crise mais tout au plus d’en limiter les dégâts. Quel manque d’audace !

Raphaël Didier, économiste, est enseignant à l’IUT de Moselle-Est et à l’ICN Nancy. Il est l’auteur de « Les grands débats économiques actuels » (Ellipse, 256 pages, 2013).

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