Les trois piliers pour un monde plus juste et plus pacifique

Quand j’étais un garçon, mon père avait l’habitude de nous dire: «Il ne faut pas frapper quelqu’un sur la tête quand vous avez vos doigts entre ses dents», pour nous rappeler que même dans des moments de dispute, nous restons liés les uns aux autres. Ce proverbe nous rappelle une sagesse que le monde peine à saisir pleinement. Ma longue expérience m’a appris que, qu’importe notre origine, ce qui nous unit est presque toujours plus important que ce qui nous divise.

En 2007, j’ai créé la Fondation Kofi Annan à Genève avec la conviction que les piliers constituant un monde plus juste et plus pacifique sont la paix et la sécurité, le développement durable et les droits humains. Cette conviction n’a fait que croître au fil des années. Ces piliers sont interconnectés et interdépendants, car il ne peut y avoir de sécurité à long terme sans développement, et il ne peut y avoir de développement à long terme sans sécurité. Et aucune société ne peut prospérer à long terme sans la primauté du droit et du respect des droits de l’homme.

Pourtant, les épidémies, la faim, la crise du climat, la gouvernance faible et non démocratique, et de nombreuses autres menaces rongent impitoyablement les fondements de nos sociétés. A la Fondation Kofi Annan nous travaillons avec les milieux diplomatiques, avec les sociétés civiles et avec le secteur privé afin de mobiliser la volonté politique nécessaire pour contrer ces menaces. L’expertise et le savoir-faire pour éradiquer la plupart des crises sont souvent bien établis. Ce qui nous manque plutôt, c’est la vision, le leadership et la volonté de s’y prendre réellement. Mobiliser cette volonté est la mission que nous nous sommes donnée et Genève, avec son histoire et son internationalisme exceptionnel, est devenue notre base naturelle depuis 2008.

Je reste optimiste: un jour, j’en suis sûr, nous verrons un monde où les dirigeants regardent au-delà du prochain cycle électoral ou de la prochaine assemblée des actionnaires; et nous nous rendrons compte que nous ne vivons pas dans un monde de jeu à somme nulle où le gain de l’un vient automatiquement aux dépens de l’autre.

J’envisage un monde où ces valeurs sont soutenues par une architecture internationale et par une Organisation des Nations unies modernisée qui reflète l’évolution des rapports de force mondiaux avec la montée de la Chine, du Brésil, de l’Inde, de l’Afrique du Sud et d’autres pays émergents. Mais par-dessus tout, je vois une Organisation des Nations Unies qui sert non seulement les Etats, mais les peuples en premier lieu, et qui devienne l’endroit où les gouvernements sont tenus de rendre des comptes sur leur comportement à l’égard de leurs propres citoyens. Un forum où les valeurs communes telles que le pluralisme, la tolérance, la solidarité, la démocratie et le dialogue triomphent sur l’unilatéralisme, l’ultranationalisme, et la politique d’identité.

Vous me direz que cela est une belle une fantaisie, et que partout dans le monde – même dans les pays qui ont adopté les idéaux démocratiques – la liberté individuelle, les droits humains et la démocratie sont peu à peu érodés.

Mais rappelez-vous que jamais auparavant dans l’histoire humaine les conflits armés n’ont fait si peu de victimes (en proportion de la population mondiale). Cela ne fait pas les gros titres des journaux, mais le système international, avec ses règles et ses institutions, permet aux Etats de régler la plupart de leurs différends de manière pacifique la plupart du temps.

Laissez-nous renouveler et renforcer ce système international. Des épidémies au changement climatique, nous devons mettre nos intérêts égoïstes de côté et réaliser que nous sommes dans ce monde ensemble, pour le meilleur ou pour le pire. Frapper l’autre sur la tête ne nous a pas fait beaucoup de bien par le passé. Il est temps de passer au-delà, d’embrasser notre humanité commune et de reprendre notre voyage vers un monde plus juste et plus pacifique.

Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU.

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