L'Eurogroupe a-t-il calmé l'ire de la Banque centrale européenne ?

Dans quelles annales le printemps 2011 restera-t-il ? Celles, glorieuses, du sauvetage de la zone euro, ou bien un bis repetita de celles, poussives, du printemps 2010 ? Quoi qu'il en soit, le climat européen approche sans doute d'un paroxysme.

Pour le comprendre, il suffit de regarder en direction de Bruxelles, puis de Francfort. Les chefs d'Etat ou de gouvernement ont négocié tard dans la nuit du 11 mars un "pack complet" pour sauver la zone euro, comprenant des éléments sur les fonds et mécanismes de secours pour les pays en crise (FESF jusqu'en 2013, remplacé ensuite par le MSE), sur la gouvernance de la zone euro, ainsi qu'un pacte pour l'euro.

La bonne nouvelle, c'est qu'il y a eu des nouvelles ! Il n'eût pas été surprenant que rien de concret ne sorte de cette rencontre. Outre l'amélioration des conditions du prêt octroyé à la Grèce et la définition d'une capacité de prêt "effective" de 440 milliards d'euros pour le FESF, ce dernier peut dorénavant non seulement octroyer des prêts aux Etats, mais encore acheter directement leur dette lorsqu'ils la mettent sur les marchés.

Malgré cela, il faudra sans doute un bon coup de pouce supplémentaire lors du sommet des 24 et 25 mars afin de rendre ces mécanismes invulnérables et opérants, principalement pour trois raisons.

D'abord, le MSE est soumis au principe d'unanimité de ses membres, à savoir au moins dix-sept pays, voire plus si des pays hors zone euro devaient s'y adjoindre…, une gageure. Ensuite, les achats de "nouvelle" dette publique sur le marché primaire peuvent, certes, atténuer la problématique des stocks de "vieille" dette déjà émise et détenue par les investisseurs, mais elles ne la résoudront pas directement. Il semble d'ailleurs que l'usage de tels achats restera très parcimonieux.

Enfin, les mécanismes de stabilité sont intrinsèquement liés à la nouvelle gouvernance européenne. Cela est essentiel et, en soi, une excellente chose. Cependant, sa traduction opérationnelle reste encore largement inconnue, à l'exception d'un critère de taille concernant la réduction de la dette publique. Celui-ci impose aux pays membres de réduire d'un vingtième la distance entre le ratio dette-PIB effectif et les 60 % imposés par les critères de Maastricht. Prenons un ordre de grandeur grossier pour un pays dont le ratio de dette avoisine 120 % : il lui faudrait réduire son stock de dette de près de 2,5 % par an en moyenne pendant dix ans, aux seules fins de mettre celle-ci sur la bonne trajectoire !

POLITIQUE PROTECTRICE

Les décisions prises le 11 mars et celles de fin mars suffiront-elles pour calmer l'ire de la Banque centrale européenne (BCE) ? Jusqu'à présent, celle-ci a fait preuve d'un esprit fort coopératif par le biais d'une politique très protectrice pour les banques (sa liquidité reste ample), les Etats (elle achète de la dette publique) et l'économie (ses taux d'intérêt sont bas). Cependant, sa patience a des limites : c'est aux Etats qu'il convient de mettre un point final aux problèmes du système bancaire, elle doit cesser le financement monétaire qui découle de ses interventions sur les marchés souverains, et il convient d'assurer l'ancrage des anticipations d'inflation malgré la houle des pressions inflationnistes à court-terme.

Avec l'annonce d'une hausse de taux en avril, l'ère de la politique monétaire "non-coopérative" a sans doute sonné. Il peut paraître surprenant que la BCE ait choisi d'ouvrir le feu par le biais des taux, et ce avant l'issue des sommets européens de mars. Car enfin les taux sont certes très bas, mais la reprise encore très inégale dans la zone euro, et l'incertitude persistante en l'absence d'un plan de sauvetage européen probant définitif, pourraient se satisfaire d'un cycle haussier plus tardif, quitte à ce qu'il soit, ensuite, plus rapide… a moins que des raisons plus impérieuses ne lui imposent, pour quelques mois encore, le statu quo vis-à-vis des banques et des Etats.

Natacha Valla, économiste Europe chez Goldman Sachs.

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