L’Europe a sacrifié sa jeunesse sur l’autel de l’austérité

La crise économique a fait diverger considérablement les conditions de vie et l’accès à l’emploi des plus jeunes et des plus âgés au sein de l’Union européenne (UE). Les indicateurs de pauvreté montrent que les jeunes ont été beaucoup plus touchés par la récession que les plus âgés, non seulement dans les pays les plus affectés par la crise, mais partout en Europe.

Le chômage des jeunes au sein de l’UE a augmenté de près de 24 % entre 2007 et 2013, soit 5,5 millions de personnes de plus. L’augmentation du chômage et de la pauvreté chez les jeunes est particulièrement inquiétante du fait de leurs effets durables sur la productivité et sur le potentiel de croissance.

Des recherches montrent qu’une longue période de chômage juste après l’obtention de leur diplôme, c’est-à-dire au moment où les travailleurs sont censés acquérir leurs premières compétences au sein du monde professionnel, peut mettre en péril l’ensemble de leur carrière et dégrader leur productivité. Le chômage des jeunes impacte aussi négativement le taux de fécondité et la démographie, car l’incertitude des revenus liée au chômage tend à retarder le moment de fonder une famille.

Politique budgétaire bien trop restrictive

De plus, les politiques publiques mises en œuvre dans trois domaines ont significativement contribué à cette fracture intergénérationnelle croissante.

Premièrement, la gestion macroéconomique. Jusqu’à la décision de la Banque centrale européenne de lancer un programme d’opérations monétaires sur titres (OMT) en juillet 2012, les conditions financières ont divergé fortement au sein de la zone euro, conduisant à l’éviction de certains pays et de leurs entreprises du marché européen.

De plus, la politique budgétaire a été bien trop restrictive dans l’ensemble de la zone euro, aggravant la récession. Par conséquent, le chômage a augmenté, particulièrement celui des jeunes, en raison du nombre disproportionné de jeunes travaillant en contrat de courte durée. D’autres facteurs ont joué, comme la difficulté pour les jeunes de faire leurs preuves en période de récession lorsqu’ils recherchent du travail.

Deuxièmement, le type de dépenses publiques touchées par la rigueur budgétaire a joué au détriment des jeunes générations et des investissements d’avenir. Dans l’ensemble de l’UE, la part des dépenses publiques attribuée à la santé, l’éducation, la famille, aux enfants a diminué.

Gaspillage

En revanche, la part des dépenses pour lutter contre le chômage a augmenté, particulièrement dans les pays les plus touchés par la crise comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie. Seuls les retraités semblent avoir été épargnés par les restrictions budgétaires et, dans certains cas, semblent même avoir bénéficié d’augmentations des dépenses publiques. Cela a fortement contribué à l’aggravation de la fracture intergénérationnelle.

Troisièmement, les gouvernements des pays les plus frappés par la crise ont mis en œuvre des réformes de leurs régimes de retraite. Mais ces réformes ont souvent mis à mal l’équité intergénérationnelle, en prévoyant une diminution considérable, à long terme, du rapport entre la pension moyenne et le salaire moyen. Ainsi, les jeunes bénéficieront de pensions bien moins généreuses que celles des retraités actuels, contribuant encore à la croissante fracture intergénérationnelle.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a affirmé que l’Union européenne représente approximativement 7 % de la population mondiale, 26 % de son produit intérieur brut, mais plus de 50 % de ses dépenses sociales. Cette remarque résume, certes, la générosité des modèles européens d’Etat-providence, et remet aussi en cause sa durabilité à long terme.

Cependant, lorsque les gouvernements font face à des pressions démographiques, budgétaire ou autres, ils devraient être plus clairvoyants sur les coupes à effectuer et sur la façon de mener les réformes nécessaires. Une Europe vieillissante ne peut se permettre de gaspiller les compétences et les talents de sa jeunesse, et les gouvernements doivent garder en tête que traiter l’émergence de la fracture intergénérationnelle devrait être une priorité politique.

Coordination de politiques budgétaires

La zone euro a besoin d’outils macroéconomiques appropriés pour mieux gérer les écarts budgétaires grandissants en son sein. Dans le court terme, nous sommes sceptiques quant à la création de tels instruments de stabilisation de l’Union, comme, par exemple, un mécanisme européen d’assurance-chômage. De telles mesures pourraient se montrer efficaces, mais elles demanderaient des efforts considérables d’harmonisation de la législation du marché du travail.

A la place, il semble plus réaliste de mettre en place un mécanisme contraignant, mais équilibré, de coordination des politiques budgétaires. Pour traiter le chômage des jeunes, nous suggérons des réformes du marché du travail qui permettent d’améliorer graduellement la sécurité de l’emploi au fur et à mesure que les travailleurs obtiennent des contrats de longue durée lorsque l’économie repart.

De plus, si de nouvelles coupes budgétaires s’avèrent nécessaires, les gouvernements devraient apprendre de leurs erreurs passées et réduire leurs dépenses publiques improductives au lieu de sacrifier les investissements pour les jeunes et le futur. Les gouvernements doivent aussi reconsidérer la composition de leurs dépenses.

Enfin, une répartition équitable du fardeau entre les générations doit être mise en place ; les réformes des retraites ne doivent pas se faire au détriment des plus jeunes.

Guntram Wolff et Pia Hüttl (Institut Bruegel, Bruxelles)

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