L’Europe doit intervenir dans le conflit catalan

Manifestation devant un bureau de la police nationale. Barcelone, 3 octobre 2017. © SUSANA VERA
Manifestation devant un bureau de la police nationale. Barcelone, 3 octobre 2017. © SUSANA VERA

Quand l’Union européenne s’interposera-t-elle dans le conflit catalan? Car le torchon brûle à Barcelone. Madrid est en train de jeter le peuple catalan dans la rue, confisque le matériel de vote de Barcelone, envahit les locaux du mouvement autonomiste, met ses dirigeants en état d’arrestation, menace de prison des centaines de maires catalans au motif qu’ils organiseraient le référendum. On pense au fascisme pas si lointain, à la Guerre de 1936 encore présente en cette terre de feu qu’est la Catalogne, en ce pays fier et violent à l’identité reconnue par sa culture, sa langue, son histoire, son territoire, ses sardanes aussi, identité entretenue chaque été et depuis quarante ans à l’Université de Bellaterra auprès de 9000 professeurs catalans ardents.

Modèle jurassien

Un modèle d’interposition de l’Union Européenne doit s’inventer. Ce modèle existe, il s’est construit dans le Jura suisse, dans les années 1960, au moment où le conflit s’était exacerbé entre un Canton et l’une de ses régions, entre Berne et Delémont. Fort de son droit constitutionnel et de son devoir d’intervention entre deux Cantons en conflit, la Confédération s’était interposée et avait conduit, en Commission tripartite, à un processus d’autodétermination original qui a trouvé son terme en septembre 2017, tout récemment, à Moutier. Ce modèle est tragique dans la mesure où il déchire un pays, et il est lent, mais il est exemplaire dans la mesure où il permet à chacune des parties constitutives du conflit de trouver sa meilleure solution et où il conduit à une solution pacifique. Ce droit suisse d’intervention d’une partie tierce dans un processus d’autodétermination d’un pays sur séquence identitaire ne trouve malheureusement pas son pendant à Bruxelles.

Lors du conflit des Balkans déjà, il n’y a pas si longtemps, l’Union européenne était restée inerte. L’Europe avait assisté, passive, à l’explosion ethnique des Balkans, avec les déchirures dont on se souvient. Ce fut sa honte. Et aujourd’hui, que fait l’Europe au regard du drame catalan? «Rien», a déclaré l’autre jour avec sévérité Jean Quatremer, correspondant politique à Bruxelles du journal Libération, lors du Déjeuner européen de Lausanne. Deux raisons la paralyseraient, l’une juridique, elle ne dispose pas de base institutionnelle lui permettant, voire lui enjoignant, à l’exemple suisse, d’intervenir; l’autre politique, Jean-Claude Junker, Angela Merkel et Mariano Rajoy, mais aussi les dirigeants peu recommandables de Hongrie, de Pologne et des Pays-Bas, sont paralysés par un intérêt partisan qui les lie, celui de la Démocratie chrétienne européenne, majoritaire, fondatrice de l’Europe.

L’Europe des régions

Quand est-ce que Bruxelles inventera un droit d’interposition entre deux Etats ou régions en conflit? Et peut-être même inventera une Europe reposant sur des régions aussi, telles la Catalogne, et non plus sur les seuls Etats constitués, telle l’Espagne? Au risque de déflagration, au risque d’erreur grave répétée, au risque de ne pas jouer son rôle protecteur, l’Union européenne doit intervenir dans le conflit catalan, elle doit en être la médiation. Ce serait nouveau. Ce serait son rôle. Le doit-elle vraiment? C’est l’évidence. Le problème catalan est européen. Et on est au bord du gouffre. Le fera-t-elle? Rien n’est moins sûr.

Jacques-André Tschoumy, de la Maison de l’Europe transjurassienne.

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