L’Europe menacée d’une troisième guerre mondiale

Les Suisses qui votent UDC ne sont pas tous xénophobes; ils sont plutôt guidés par la peur. La peur est mauvaise conseillère, sans doute, mais elle a des fondements objectifs. Elle se répand dans tous les milieux, surtout à la campagne et dans les périphéries urbaines, qui subissent depuis des décennies une lente et inexorable dégradation de leur qualité de vie.

Aucune statistique, aussi bien manipulée soit-elle, ne peut rien contre la montée du sentiment d’insécurité, la crainte de l’islamisme, l’encombrement du réseau routier, la crise du logement ou la précarisation de l’emploi. Il est évidemment injuste de rendre les immigrés responsables de cette dégradation; il n’en reste pas moins que l’une de ses causes les plus visibles est la croissance démographique, qui résulte pour l’essentiel de l’immigration.

La réponse naturelle à un déséquilibre

En écologie élémentaire, les mouvements migratoires sont la réponse naturelle à un déséquilibre. Comme n’importe quelle espèce animale, les hommes sont poussés à fuir un biotope ingrat et dangereux pour tenter de se faire un nid dans un biotope plus propice à la survie, où la nourriture est abondante et où ils risquent moins de se faire voler, violer, assassiner ou bombarder. Telle est la situation des familles syriennes, irakiennes, libyennes, afghanes ou érythréennes, toutes religions confondues, prêtes à prendre des risques inouïs pour prendre pied en Europe.

En l’état actuel des choses, il n’y a aucune raison pour que ça se calme. La pression migratoire va peut-être diminuer ces prochains mois à cause des températures hivernales, mais elle reprendra de plus belle dès le retour des beaux jours. Il semble inéluctable que l’aire de provenance des migrants s’étende bientôt aux pays du Sahel, qui connaissent les mêmes problèmes de pauvreté, d’instabilité institutionnelle et d’explosion démographique que ceux de la rive sud de la Méditerranée. L’ingéniosité des passeurs aidant, il se trouvera des véhicules tout-terrain ou des bateaux pour contourner le Sahara. Facebook fera le reste, et aucune police n’y pourra rien.

Remonter à la source écologique du problème

Cette situation représente un défi redoutable pour les valeurs helvétiques que sont la tradition humanitaire ou le respect des minorités. Ces valeurs nous sont précieuses, car elles constituent une partie de notre identité nationale. Comment les préserver, alors qu’un bon tiers du peuple dit qu’il n’en peut plus, qu’il ne sait plus à quel saint se vouer, et donne ses suffrages à un parti populiste financé par des millionnaires qui prétendent fermer les frontières aux migrants tout en prônant l’abolition des frontières pour leurs opérations commerciales sur le marché mondial?

Il faut remonter à la source écologique du problème. Le déséquilibre. Ou plutôt les déséquilibres, car il y en a deux, qui se renforcent mutuellement.

Une disparité qui jure

Le premier déséquilibre, le plus évident, réside dans la disparité des conditions de vie entre l’Europe et les pays d’origine des migrants. À court terme, l’Europe fera ce qu’elle peut pour honorer ses propres valeurs, comme le prône opportunément Mme Merkel, en accordant à autant d’immigrés que possible un accueil digne, des facilités d’intégration, voire du travail. Mais on sent bien que cette capacité a d’étroites limites, et qu’on ne peut pas fonder une politique à long terme sur la seule compassion qu’inspire l’image d’un enfant noyé sur une plage. Il faut d’abord, dans l’urgence actuelle, aider les pays voisins de la Syrie et de l’Irak à faire face sur place au flot des fugitifs.

Ensuite, la seule manière de réduire durablement le déséquilibre consisterait à aider les pays d’origine des migrants à offrir à leurs habitants des conditions de survie acceptables. Cela suppose des investissements massifs – et à fonds perdu – dans les infrastructures, l’économie locale et les systèmes de formation, en vue de ce fameux développement durable qui est la condition sine qua non de la paix mondiale. Si nous sommes capables de mettre en œuvre une telle stratégie, nous verrons le problème démographique se résoudre de lui-même. La croissance démographique a pris fin dans les pays riches, en l’espace d’une génération, dès que chaque famille a eu les moyens de nourrir ses enfants, de les envoyer à l’école et de subvenir aux besoins de ses vieux parents. Il n’y a aucune raison pour qu’il n’en aille pas de même en Asie ou en Afrique.

La mondialisation et ses effets délétères

Le deuxième déséquilibre sévit au cœur de notre société. Il sépare ceux qui profitent de la mondialisation et ceux qui en subissent les effets délétères. Il s’exprime par la disparité croissante entre les revenus des habitués de la classe «affaires» des vols internationaux et ceux des gens ordinaires, qui restent au sol ou qui, au mieux, s’offrent parfois un voyage «low cost» pour leurs vacances.

Les deux déséquilibres sont liés. Ils sont dynamiques. Ils contiennent les ferments d’une dislocation de l’Union européenne, puis d’une troisième guerre mondiale dont personne n’est en mesure de prévoir le visage. Notre intérêt n’est pas de leur laisser libre cours.

Laurent Rebeaud

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