L'Holocauste, des taches permanentes sur l'âme humaine

Le 27 janvier, le monde commémorera la libération d’Auschwitz par l’Armée rouge il y a exactement 75 ans. Rares sont les lieux sur terre à même de nous faire mieux comprendre les horreurs sans nom dont les êtres humains sont capables. Plus de 1,1 million d’Européens ont été assassinés dans cet unique lieu. Principalement des juifs, mais aussi des Roms et des Sintis, des prisonniers de guerre soviétiques, des Polonais et d’autres Européens de toutes les nations que le Reich allemand a occupées.

Lors d’une visite à Auschwitz, le poids écrasant de cette abomination est quasiment insupportable. Très souvent, on évoque l’efficacité de cette machinerie mortelle à l’échelle industrielle. C’est ce que l’on voit lors de la visite, mais j’ai aussi été frappé par la cruauté minutieusement organisée à l’égard de tous ceux que les nazis ne tuaient pas immédiatement dès l’arrivée. Vous voyez d’immenses terrils de chaussures de toute taille, des valises qui portent encore le nom de leur propriétaire, des cheveux (mon Dieu les cheveux !). Les personnes auxquelles tous ces objets ont appartenu étaient nos frères, nos sœurs et nos voisins.

Ceux qui n’étaient pas immédiatement tués devaient lutter pour survivre d’une manière qu’aucun d’entre nous ne pourra jamais imaginer. La cruauté permanente, le manque de nourriture, les maladies, la vermine, le froid en hiver, les expériences médicales, le travail harassant, tout était fait pour briser l’esprit humain et, à terme, tuer l’être humain. Les personnes luttant pour survivre n’espéraient même pas réellement y parvenir. Nombre d’entre eux ont éprouvé ce besoin profondément humain de ne pas être oublié. Cela dépasse l’entendement que, dans de telles conditions, certaines personnes aient pu continuer à tenir des journaux intimes, à dessiner ce qu’ils ont vu, à raconter des histoires aux autres prisonniers.

Le fait qu’Auschwitz-Birkenau n’a pas été détruit par les Allemands, que des survivants ont pu témoigner et que certains de ceux qui n’ont pas survécu ont également pu nous dire ce qu’ils ont enduré au travers de journaux et de dessins qu’ils ont miraculeusement réussi à cacher à leurs bourreaux donne à l’humanité l’occasion d’en garder un souvenir vivant, maintenant que le temps qui passe réduit le nombre de personnes pouvant témoigner de leur expérience personnelle.

C’est important, mais pas suffisant. Des millions d’autres ont été tués par les nazis dans des camps qui ont été détruits, brûlés et n’ont laissé que très peu de traces dans les forêts et les campagnes d’Europe de l’Est. D’innombrables personnes ont été abattues et jetées dans des fosses communes en Lituanie, en Pologne, en Biélorussie, en Ukraine et en Russie. Les lieux sont parfois connus du grand public, aux portes de Vilnius, de Minsk et de Kiev. Souvent, ils ont été oubliés. Je me souviens du site de Babi Yar à Kiev où les nazis ont tué plus de 33 000 personnes en deux jours après avoir décidé de tuer tous les juifs de Kiev. C’est un lieu où, en deux ans, 180 000 personnes ont été abattues, mais si personne ne vous dit ce qui s’y est passé, vous ne le saurez jamais.

Je pense que ces taches permanentes sur l’âme humaine, éparpillées dans toute l’Europe, doivent être rendues visibles grâce à l’enseignement et à l’éducation, de la même manière que les grands monuments et les grandes œuvres d’art. Car c’est en ayant conscience tant de la grandeur que de la perversité humaines que nous comprendrons pleinement la nature humaine et aurons peut-être une chance de faire taire nos démons.

Les victimes ET les meurtriers de masse étaient des êtres humains. Ils avaient des parents, des frères et sœurs, des proches et des amis. Ils avaient des rêves, des espoirs, des ambitions. Ils avaient aussi des peurs. Ils étaient certes capables d’aimer, mais malheureusement un trop grand nombre d’entre eux a appris à haïr. Une haine devenue si dévorante que ceux qui en étaient l’objet ont été dépouillés de leur humanité même. C’est devenu une histoire de «c’est eux ou nous». Le meurtre de masse fut ainsi justifié.

L’Holocauste est un événement unique de l’histoire européenne. Pourtant les mécanismes qui ont rendu possible l’Holocauste ne sont en aucun cas uniques, ils font partie intégrante de la nature humaine. L’humanité, et plus particulièrement les Européens, ont l’obligation permanente d’en être conscients et de transmettre la conscience de cette dualité aux générations futures. L’Holocauste est une abomination sans égal. Le danger est trop courant de voir des êtres humains se retourner contre d’autres humains lorsque leur peur se transforme en haine et que la haine est militarisée par des forces qui ne cesseront que lorsqu’elles auront réussi à obtenir et à conserver le pouvoir.

Comprendre ce mécanisme est la première étape pour s’assurer de garder nos démons à distance. «On ne peut défaire ce qui est fait, mais on peut éviter de nouvelles erreurs», écrivait Anne Frank dans son journal qui participe à ce travail de mémoire européen indispensable.

Franz Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du pacte vert européen

2 comentarios


  1. Bonjour. Je pense personnellement que l'Holocauste est un mythe. Après avoir bien sûr étudié très sérieusement la question. Cordialement.

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