Liamine Zeroual, ou la sortie de crise pacifique

Quel est l'état des lieux en Algérie ? Des institutions dénuées de légitimité, des partis virtuels, un mouvement syndical et associatif peu représentatif et des leaders sans ancrage dans la société sur fond de corruption endémique. Si sa maladie aurait dû pousser M. Bouteflika à ne pas briguer un quatrième mandat, le diagnostic s'applique à tout le système frappé de vieillissement. Ainsi, donc, l'Algérie est en situation de blocage systémique. Le scrutin présidentiel ne constituant guère un enjeu véritable, quels sont les scénarios susceptibles de dépasser cet obstacle ?

LE PEUPLE ALGÉRIEN DEVRA IMPOSER UN NOUVEAU PACTE NATIONAL

Le premier est celui de la perpétuation du statu quo. Il existe des pôles influents au sein du système qui verraient d'un oeil favorable se prolonger le mode de gouvernance actuel. Fût-ce avec un chef de l'Etat impotent. Ce serait compter sans la conjoncture interne et externe. Au plan interne, il existe un fort potentiel de contestation sociale qui demande un encadrement approprié. Au plan externe, en raison même de la défaillance du système de gouvernance, l'influence étrangère sur le cours des événements en Algérie va de plus en plus s'affirmer.

L'autre scénario est celui de l'implosion du système. La capacité de contrôle de la société par les instruments publics de répression n'est plus d'une totale efficacité. Un soulèvement impromptu que la police ne pourrait guère contenir est une hypothèse dont il faut tenir compte. La récente campagne électorale a mis en relief l'état d'exaspération de la population contre des pouvoirs publics qui ne peuvent plus répondre aux attentes, en matière de justice et de lutte contre la corruption. L'armée, au regard de sa configuration actuelle, devrait refuser d'entrer en confrontation avec la population. Requérir l'armée pour rétablir l'ordre public, en tirant sur la foule au besoin, c'est un pari risqué qui conduirait au casus belli.

Le dernier scénario est celui de la transition démocratique. Il s'agit d'un processus qui suppose la conclusion d'un pacte national fondé sur une feuille de route comprenant la mise en place d'un gouvernement de salut national composé, pour la gestion des domaines de souveraineté, de personnalités indépendantes et de représentants de forces politiques disposant d'un vrai ancrage et, pour la remise à flot de l'économie nationale, d'experts aux capacités avérées. Il devrait être procédé à la tenue d'une conférence nationale de la transition débouchant sur l'adoption d'un Pacte national.

ZEROUAL A LA CONFANCE DU PEUPLE ET DE L'ARMÉE

Il ne faut pas imaginer que M. Bouteflika et le cercle qui l'entoure puissent se résigner à cette solution. C'est le peuple algérien mobilisé qui devra l'imposer. Les autres institutions comme l'armée et les services de renseignement se rangeront avec le peuple si celui-ci démontre sa puissance. Cette démarche requiert la présence d'une équipe soudée autour d'un homme qui, loin d'être un homme providentiel, serait un homme de rassemblement. Un dirigeant capable d'exercer un commandement éclairé, qui jouirait de la confiance de la population et qui, caractéristique essentielle, disposerait d'une autorité morale avérée sur l'armée et les services de renseignement.

Cet homme qui existe a pour nom Liamine Zeroual. Homme moral plutôt qu'homme politique, il est habité par l'amour de la patrie. Réfractaire aux honneurs officiels, il s'éloigne de tout ce qui peut l'en rapprocher. Il faut espérer que le soldat qui sommeille en lui se réveille. Le destin de l'Algérie est entre les mains de cet officier général en retraite dont le peuple algérien attend un sacrifice ultime.

Dans cette conjoncture, il ne faut pas négliger l'environnement international. La France et les Etats-Unis sont sommés de choisir. Prévenir l'implosion d'un pays du potentiel de l'Algérie, c'est se prémunir contre une déflagration dont l'onde de choc affectera la stabilité régionale et les intérêts de puissance connexes de l'Occident.

Mohamed Chafik Mesbah, politologue, officier supérieur, en retraite, de l'Armée nationale populaire.

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