Liban, le drame de trop

Deux hommes contemplent les ruines du port de Beyrouth le 6 août 2020. — © Patrick BAZ/AFP
Deux hommes contemplent les ruines du port de Beyrouth le 6 août 2020. — © Patrick BAZ/AFP

Le téléphone s’est mis à sonner. Au lendemain de la double explosion qui a rasé le port de Beyrouth et dévasté la ville, le standard de la Chaîne du bonheur a retenti, encore et encore. «Il faut aider les Libanais.» Oui, il le faut. Car en une seconde, ce sont trente ans d’efforts de reconstruction qui ont été réduits en cendres. Cela est intolérable.

Le destin s’acharne-t-il sur ce pays qu’on appelait autrefois «la Suisse du Proche-Orient»? Lorsque j’ai visité Beyrouth en 2017, des immeubles portaient les stigmates de ses nombreuses guerres, revenues comme des rengaines meurtrières sur son histoire moderne. Le pays s’était relevé lentement, maison après maison, et ses devantures chics scintillaient autant que la Méditerranée à ses pieds.

Protestations

En 2019, les démons ont ressurgi. Le gouvernement a tenté une politique d’austérité qui a conduit les Libanais à protester par dizaines de milliers. Depuis neuf mois, le pays flirte avec la faillite: inflation, effondrement de la monnaie nationale, chômage endémique, services publics (eau, électricité) aléatoires. Les hôpitaux ont subi l’arrivée du Covid-19 alors que tout leur manquait, faute de finances publiques.

Ce printemps, la mère de mon ami Fadi disait que la situation était pire que pendant la guerre civile. Depuis l’explosion, elle ne dit plus rien. Elle pleure sur son pays meurtri, cette bande de terre charmeuse de culture et de nature merveilleuse, où l’on peut skier avec vue sur la mer. Déterminés dans l’adversité, les Libanais ont retroussé leurs manches et, déjà, déblaient eux-mêmes.

Un atout

Les organisations humanitaires ont fait tout aussi vite. Car dans sa malédiction de guerres à répétition (le conflit en Syrie a mené plus d’un million de réfugiés additionnels au Liban, qui s’ajoutent aux Palestiniens de longue date), le pays a gagné un atout: Beyrouth est un centre humanitaire pour le Proche-Orient, prêt à l’action. Rien qu’à la Chaîne du bonheur, nous y avons six partenaires.

Leurs équipes se sont mobilisées immédiatement pour offrir ce qu’elles savent faire le mieux: le personnel de Médecins sans frontières a aidé les hôpitaux débordés, la Croix-Rouge suisse soutient sa sœur libanaise pour la recherche des blessés, le service d’ambulances et le don du sang. Les autres – la Fondation Terre des hommes, Medair, l’Entraide protestante (EPER) et Caritas – se penchent sur les 300 000 personnes dont le logement a volé en éclats, réfugiées dans des églises, des mosquées et des écoles où tout est à mettre en place: de l’eau, de la nourriture, des couvertures, des produits d’hygiène.

Les besoins de la population libanaise sont immenses, et il faudra reconstruire. C’est aussi aux Etats de fournir de l’aide, car on sait que la «Suisse du Proche-Orient» est une pièce maîtresse dans l’équilibre fragile de la zone, qui ne peut s’effondrer. L’aide aux Libanais se joue à plusieurs niveaux et clairement, la Chaîne du bonheur ne réglera pas la crise à elle seule. Cependant, grâce à la rigueur qu’elle a démontrée en Haïti, où 92% des personnes aidées par ses programmes ont retrouvé leurs moyens de subsistance, la Chaîne du bonheur peut apporter une aide humanitaire réelle et efficace aux Libanais qui seront aidés par ses ONG partenaires.

Tasha Rumley, responsable de programmes humanitaires à la Chaîne du bonheur

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