Libérez les prisonniers politiques du Venezuela

Des années durant, l’opposition au Venezuela a dénoncé le caractère antidémocratique du gouvernement de notre pays. Ce ne fut pas tâche facile que de faire entendre à la communauté internationale la vraie nature du régime ainsi que le danger, pour toutes les nations libres et démocratiques, que représentait la simple existence et la tolérance honteuse de cette nouvelle dictature au XXIe siècle.

Je suis prisonnier à la prison militaire de Ramo Verde, près de Caracas, depuis le 18 février 2014. Mon crime ? Avoir protesté pacifiquement et réclamé un changement politique prévu par la Constitution du Venezuela. C’est pour ce seul motif que j’ai été condamné à quatorze ans de prison. Un mandat d’arrêt a été délivré contre moi. J’ai alors décidé de confronter cette « justice injuste » pour mettre à nu le mensonge, l’abus de pouvoir et d’aider à dévoiler le vrai visage d’une dictature devant les Vénézuéliens et le monde. Pour moi, ce fut une conquête, non seulement morale mais politique. Mais je ne suis pas seul. Il y a des centaines de citoyens emprisonnés pour la même cause et les millions de personnes qui souffrent quotidiennement des abus du régime autoritaire qui gouverne notre pays.

J’ai beaucoup réfléchi aux trois préoccupations principales qui accaparent la communauté internationale sur le présent et l’avenir de mon pays. Tout d’abord une vive inquiétude concernant la situation politique, sociale et économique et en particulier pour son déficit démocratique, sa crise humanitaire et sa criminalité galopante. En second lieu, le caractère aigu de la confrontation politique, le manque de dialogue pour résoudre cette crise. Enfin, autre défi mais pas le moindre, quel sera l’avenir du Venezuela une fois cette confrontation dépassée et quelle stabilité politique, sociale et économique proposera l’opposition dont le retour au pouvoir est imminent ? Je souhaite m’exprimer ici au nom des démocrates du Venezuela, dans le but de contribuer à effacer bon nombre de ces inquiétudes.

Une crise systémique

Sur le premier point, aucun doute n’est permis et l’évidence est là : la crise actuelle est de nature systémique et il n’y a pas d’espace de la vie publique ou privée qui échappe désormais à cette terrible situation. La crise humanitaire a conduit les Vénézuéliens à consommer moins de deux fois par jour et à mourir faute d’obtenir des médicaments. Sur le plan économique, notre pays souffre aujourd’hui d’un processus hyperinflationniste qui nuit en priorité aux plus pauvres. Sur le plan politique… nous sommes en dictature.

Face à cette situation, nous avons choisi la voie démocratique et l’opposition a décidé d’utiliser la non-violence comme méthode de lutte. Ce qui nous amène à répondre à la deuxième préoccupation. Toute l’opposition démocratique réunie dans la MUD a exprimé le souhait d’un dialogue qui cherche des solutions réelles et concrètes pour les Vénézuéliens. Nos demandes pour qu’il soit couronné de succès ne sont rien de plus que l’ouverture d’un canal humanitaire qui apportera nourriture et de médicaments. Mais nous réclamons aussi le respect des droits de l’homme et donc la libération des prisonniers politiques et la tenue du référendum révocatoire prévu par la constitution.

Le monde entier a pu observer le 1er septembre que plus d’un million de citoyens sont descendus dans les rues de Caracas pour une grande journée de protestation civique pour accompagner ces exigences. Nous sommes convaincus que cette pression populaire et pacifique ainsi que le soutien des démocraties de par le monde permettront le changement politique souhaité par l’immense majorité.

Mais ce ne sera pas suffisant. C’est ici qu’il s’agit de répondre à la troisième préoccupation. L’engagement des Vénézuéliens avec l’appui de la communauté internationale sera de refonder la démocratie sur une base plus équitable, et donc plus solide. Tous les membres de la MUD ont exprimé la volonté de reconstruire et réconcilier le Venezuela. Supporter au quotidien les abus de la dictature me conduit naturellement à un engagement sans faille pour que les échecs du passé ne soient plus jamais réédités.

Cet objectif ambitieux requiert un grand accord national lequel doit inclure tous les acteurs du spectre politique. Ma proposition consiste à former un gouvernement d’unité nationale, qui aille au-delà d’une simple coalition de partis. Un gouvernement engagé dans la consolidation démocratique de nos institutions, afin d’atteindre l’objectif qui a animé notre lutte au cours de ces années : que tous les droits soient garantis pour tous les Vénézuéliens, sans exception. Seul un gouvernement issu d’un tel accord national pourra affronter avec énergie et cohérence les défis prioritaires du Venezuela

Amis démocrates de par le monde mais surtout sur le continent européen, nous avons besoin de votre solidarité. Solidarité avec le Venezuela, solidarité avec la démocratie. Cette dictature nous impose de prendre parti parce que, comme Desmond Tutu l’a déclaré : « Si vous choisissez d’être neutre dans les situations d’injustice, vous avez choisi le côté de l’oppresseur. »

J’appelle à l’union de toutes les forces démocratiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Venezuela, autour d’un objectif commun : la création, le maintien et la défense d’un système qui garantisse les libertés publiques et le respect de la démocratie.

Leopoldo Lopez, Prison de Ramo Verde, Septembre 2016.

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