Liberté immédiate pour l’artisan de la paix Josu Urrutikoetxea

Josu Urrutikoetxea, cheville ouvrière de la sortie du conflit armé au Pays basque a été, contre toutes les règles de bonne conduite diplomatique, arrêté le 16 mai à Sallanches dans un hôpital public au milieu de soins urgents qui lui étaient prodigués comme nous pouvions le lire dans la tribune des philosophes publiée le 31 mai par Libération.

Membre historique de l’organisation indépendantiste Euskadi ta Askatasuna (ETA, pour Pays basque et liberté) née sous le franquisme, Josu Urrutikoetxea a été condamné, en 1990, à dix années de prison en tant que responsable de l’appareil international de l’organisation pour association de malfaiteurs. Ce jugement venant sanctionner ses efforts pour établir, dès le début des années 80, des contacts avec le gouvernement espagnol afin de mettre sur pied les négociations de paix d’Alger en 1989. Pour que ces dernières s’ouvrent, le gouvernement espagnol a exigé de l’organisation ETA une trêve unilatérale en amont des discussions. C’est dans ce laps de temps, que le 11 janvier 1989 la justice française a procédé à l’arrestation de Josu Urrutikoetxea.

En 1996, après avoir accompli sa peine sur le territoire français, il est expulsé en Espagne où il effectuera quatre années de détention provisoire – comprendre : sans jugement, ni condamnation –, sans que la moindre procédure ne soit retenue à son encontre. Sans condamnation, depuis sa prison en 1998 puis, cette fois libre, en 2001, il est élu député par deux fois au Parlement de la communauté autonome du Pays basque avant de partir, en 2002, en clandestinité. Situation qu’il ne quittera plus depuis, jusqu’à son arrestation le 16 mai. Ce qui ne l’empêchera pas de réussir à affecter son propre camp pour que ETA abandonne la lutte armée, tâche ô combien difficile mais essentielle comme le soulignaient récemment avec force Gerry Adams (Sinn Féin) et Ronnie Kasrils (ANC) dans une tribune d’un quotidien du soir.

Condamnations par l’Etat français

En 2010, Josu Urrutikoetxea, sera à nouveau condamné, cette fois en son absence, à sept années d’emprisonnement par l’Etat français pour avoir participé activement et signé les bases d’un préaccord de paix à Genève, entre 2005 et 2006 au côté des représentants du gouvernement espagnol, dont Jesús Eguiguren membre du PSOE. Enfin, en juin 2017, l’Etat français le condamnera à huit années d’emprisonnement, toujours en son absence, sanctionnant cette fois sa participation aux négociations de paix à Oslo de 2011 à 2013.

Ainsi cet homme, comme en témoignent les rapports des services de polices spécialisés, n’a jamais été impliqué ni sur le terrain ni dans aucune procédure visant des actes militaires comme nous déplorons le lire trop souvent dans une presse à bien des égards complaisante.

Le 3 mai 2018, après que ETA a mis fin unilatéralement à la lutte armée le 20 octobre 2011 et rendu ses armes le 8 avril 2017, c’est ce même homme par sa voix fortement symbolique qui annoncera la dissolution d’ETA. Le 19 juin la cour d’appel de Paris a ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire de Josu Urrutikoetxea considérant ses garanties – internationales – de représentation suffisamment conséquentes pour qu’il se présente en homme libre lors des différentes procédures auxquels il doit malheureusement faire face.

Alors que l’administration pénitentiaire venait de notifier la levée d’écrou à Josu Urrutikoetxea, sur ordre du parquet, des agents de la DGSI l’ont interpellé à nouveau dans l’enceinte même du centre pénitentiaire de la Santé.

Cette intervention déloyale du parquet a pour but d’empêcher l’application d’une décision de justice. Les écologistes dénoncent avec fermeté cette intervention de l’Etat à l’encontre d’un homme qui a consacré plus de trente-cinq ans de sa vie à la résolution du plus vieux conflit armé d’Europe occidentale, dont vingt-sept années passées sous privation de liberté – dix ans de prison et dix-sept ans en semi-clandestinité, puisqu’il a reçu le temps des négociations le protectorat diplomatique des Etats suisse et norvégien notamment.

Par-delà la question de pur droit du mandat d’arrêt européen et des procédures d’extradition, derrière laquelle s’abritent les Etats espagnol et français, le combat politique de Josu Urrutikoetxea nous met au défi de penser la question décisive de la singularité européenne elle-même. Car le destin de Josu Urrutikoetxea ne regarde pas exclusivement par sa dimension tragique le Pays basque, l’Espagne et la France, il regarde l’Europe entière comme promesse d’avenir. Soit l’Europe pense la possibilité effective d’un enracinement ouvrant, de l’attachement à un pays, à une langue, à une culture accueillante de manière libre et indépendante sur des communautés de destin plus vastes, soit elle se laissera submerger par les fureurs des replis identitaires.

Intolérable détention

C’était déjà la préoccupation politique de Simone Veil quand elle rédigea en 1943 ses notes sur l’évolution de la condition ouvrière et paysanne après la chute du fascisme. C’est encore aujourd’hui notre tâche la plus urgente. La libération immédiate de Josu Urrutikoetxea en est la première condition. L’intolérable maintien en détention de Josu Urrutikoetxea ne regarde pas exclusivement l’Europe, il regarde également l’ensemble des territoires en guerre pour qui cette résolution unilatérale se veut un modèle et un espoir de paix qu’il serait préjudiciable pour l’humanité aujourd’hui de pénaliser.

Les écologistes réitèrent avec détermination leur appel à l’Etat français pour que retour au droit soit fait et que soit respectée la décision de la cour d’appel afin de libérer définitivement Josu Urrutikoetxea et que cet artisan de la paix au Pays basque soit comme il le mérite, une fois pour toutes, non inquiété mais reconnu et protégé par la République française.

José Bové, député européen écologiste de 2009 à 2019.  Noël Mamère, militant écologiste. Eva Joly, députée européenne écologiste de 2009 à 2019. Esther Benbassa sénatrice EE-LV de Paris

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