L'Iran a le droit d’exploiter l’uranium dans ses centrales

« Le traité : tout le traité, mais rien que le traité. » Depuis la fin du régime du chah, les gouvernants se succèdent en Iran mais le discours fondamental demeure : « Nous avons signé le traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Il marque notre volonté d'accéder pleinement aux bénéfices du nucléaire civil et nous interdit de fabriquer des armes nucléaires. Ce traité nous le respectons mais vous n'avez pas le droit de nous imposer des restrictions qui ne sont pas prévues par le traité. »

Beaucoup de faits peuvent être reprochés aux Iraniens. A l'époque de l'imam Khomeyni, ils ont interné les diplomates américains en poste à Téhéran, au mépris de toutes les règles du droit international. Plus récemment, l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad a expliqué qu'il fallait rayer Israël de la carte… ce qui n'est guère compatible avec la Charte des Nations unies.

Aujourd'hui, on peut très légitimement critiquer leur soutien à Bachar Al-Assad en Syrie. Mais tous ces actes n'autorisent pas pour autant les Occidentaux à oublier que les règles du droit international sont aussi valables pour eux. Même en matière nucléaire.

POUVOIR EXPLOITER LEURS CENTRALES

Dans son article IV, le TNP prévoit que les signataires non dotés de l'arme nucléaire ont « un droit inaliénable à développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination »… Dans ces conditions, tous les responsables iraniens, modérés ou non, affirment d'une seule voix leur droit à développer un cycle complet du combustible pour pouvoir exploiter leurs centrales nucléaires sans dépendre d'un quelconque approvisionnement extérieur.

Pratiquement, leur demande d'accès au cycle complet signifie qu'ils refusent qu'on leur interdise d'enrichir l'uranium naturel dont ils ont besoin. La centrale nucléaire qu'ils ont achetée aux Russes et installée à Bouchehr nécessite de l'uranium enrichi à 20 %, alors ils veulent pouvoir fabriquer eux-mêmes le combustible nécessaire ; ils n'admettent pas non plus qu'on puisse leur interdire d'achever la construction d'un réacteur nucléaire à Arak sous prétexte qu'il serait capable de produire du plutonium de qualité militaire.

Les procès faits aux Iraniens concernant leurs installations nucléaires manquent donc clairement de base légale. Ce sont des procès d'intention : on soupçonne l'Etat iranien de ne développer ses installations nucléaires que pour se doter d'armes atomiques, mais on ne le prouve pas.

Certes les Iraniens n'ont pas respecté toutes les différentes résolutions, votées depuis le TNP par l'ONU et en particulier la fameuse résolution 1737 exigeant l'arrêt immédiat des opérations d'enrichissement. Mais ces résolutions, poussées en général par les Américains et leurs alliés israéliens, manquent elles-mêmes de base légale puisque les inspecteurs de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) n'ont jamais apporté la preuve que l'Iran ne respecte pas le TNP.

Il est vrai que le TNP en lui-même est peu contraignant : il donne la possibilité aux experts de l'AIEA de s'assurer de la destination de toutes les matières nucléaires produites dans les centrales, mais il ne permet pas d'aller à la découverte d'éventuels « sites cachés ».

INSTALLATIONS INSPECTÉES PAR L'AIEA

Un site comme celui de Fordo près de la ville sainte de Qom, dont l'existence fut dévoilée à grand renfort de publicité par les présidents Barak Obama et Nicolas Sarkozy ainsi que par le premier ministre britannique Gordon Brown et fut à l'origine de nouvelles sanctions contre l'Iran. Pour réduire la tension, les autorités iraniennes de l'époque – le président Mahmoud Ahmadinejad venait juste d'être élu – annoncèrent immédiatement que les nouvelles installations, comme les anciennes, seraient soumises aux inspections de l'AIEA.

Elles rappelèrent que, d'après l'accord général sur les garanties du TNP, elles ne devaient signaler de nouvelles installations que trois mois avant l'introduction de nouveaux matériaux radioactifs dans l'usine, alors que les travaux de Fordow n'en étaient qu'au stade du gros oeuvre. Les Occidentaux insistèrent en citant les résolutions du Conseil de sécurité qui « obligeaient » l'Iran à signaler une nouvelle création dès la décision prise. Une fois de plus c'était « le traité, rien que le traité » pour l'Iran mais pas pour les autres membres des Nations unies.

Robert Gates, le secrétaire américain à la défense, jugea utile de signaler que si l'usine de Fordow était destinée à un usage pacifique de l'atome il n'était pas nécessaire de l'enterrer profondément dans les montagnes. Bien entendu, les Iraniens eurent beau jeu d'évoquer toutes les menaces d'interventions aériennes proférées par Israël pour justifier le choix d'une usine enterrée.

Il existe un complément au TNP dit « protocole additionnel 93 + 2 » qui majore les mesures de garanties (safeguards) favorisant la collecte d'informations concernant d'éventuelles activités clandestines. Ce protocole additionnel n'a pas été voté jusqu'à présent par les Iraniens ; avec la nouvelle équipe au pouvoir, on peut penser qu'il pourrait facilement être ratifié afin de permettre aux inspecteurs de l'AIEA d'avoir un accès libre à tout le territoire et donner clairement confiance en la bonne foi des autorités iraniennes.

BLOQUER UNE NÉGOCIATION RAISONNABLE

Le ministre des affaires étrangères français comme le premier ministre israélien ne croient manifestement pas en cette bonne foi. C'est leur droit. Mais ce droit ne devrait pas leur donner la possibilité de bloquer directement ou indirectement une négociation raisonnable. Le succès de celle-ci permettrait en particulier d'éviter que les Iraniens ne se retirent du TNP en rappelant que les Pakistanais, les Indiens et les Israéliens, qui n'ont pas signé le traité, ne subissent, eux, aucune sanction malgré leur armement nucléaire bien réel.

Le gouvernement du nouveau président, Hassan Rohani, et de son très dynamique ministre des affaires étrangères, Javad Zarif, est plus mesuré en paroles que celui de Mahmoud Ahmadinejad, le guide suprême lui-même, Ali Khamenei, semble plus flexible.

En février de cette année, n'a-t-il pas déclaré que, « si l'Iran voulait posséder un arsenal nucléaire il l'aurait. Mais nous estimons que ces armes représentent, par leur seule existence, un crime contre l'humanité. Elles devraient toutes être détruites » ?

Le discours fondamental n'en demeure pas moins immuable. « Notre industrie nucléaire est purement pacifique. Nous n'avons qu'un devoir : respecter le TNP. Or nous le respectons. Ne cherchez pas à inventer des preuves comme vous l'avez fait avec Saddam Hussein. Nous voulons bien faire preuve de bonne volonté mais nous avons des droits, comme tous les Etats du monde. »

La Perse éternelle ne plie pas.

Par Etienne Copel, Général et vice-président du haut comité français pour la défense civile.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *