L’Iran progresse-t-il vraiment ?

Au sortir du long cycle de négociations sur le nucléaire avec l’Iran en juillet dernier, d’aucuns ont imaginé que l’Iran pourrait enfin entamer sa phase d’apaisement et de respect du droit international. D’autres ont voulu croire aux mérites d’un grand et antique pays avec qui l’Occident pourrait peut-être s’allier pour résoudre les crises qui secouent le Moyen-Orient. C’était sans compter sur la nature d’un régime théocratique, premier Etat islamique, fondé par Khomeiny en 1979, qui le prive de toute capacité de réforme laissant espérer à un changement d’attitude des dirigeants iraniens. Un changement tant attendu à la fois dans le pays par une population excédée, que sur la scène internationale.

Or, sur ce dernier volet, l’incendie et le sac, le 3 janvier, de l’ambassade saoudienne à Téhéran a apporté la preuve dramatique que rien n’a changé en Iran. L’histoire des violations des missions diplomatiques étrangères en Iran est longue. La République islamique en est à sa quatrième récidive après le sac des ambassades des Etats-Unis en 1980 et de Grande-Bretagne en 2011, mais aussi l’occupation en 1987 de l’ambassade saoudienne - qui avait entraîné la mort d’un diplomate saoudien défenestré - et l’incendie de l’ambassade du Koweït la même année. Aucune autre dictature dans le monde, même pas la Corée du Nord, n’a jamais osé s’en prendre aussi ouvertement aux règles fondamentales qui régissent les relations entre les nations. Après l’exécution par le pouvoir saoudien du dignitaire chiite Al-Nimr (153 exécutions en 2015 dans le royaume saoudien), le discours du Guide suprême iranien, Ali Khamenei, la plus haute autorité du régime, a été celle de la «vengeance divine». C’est lui qui a donné le feu vert à l’attaque des hordes islamistes contre la délégation diplomatique à Téhéran. Le Guide suprême des mollahs s’est offusqué de l’exécution de l’opposant saoudien, alors que c’est sous ses ordres que le cycle des exécutions et des pendaisons publiques en Iran a fait que ce pays détient le record mondial du nombre d’exécutions par tête d’habitant. Les châtiments cruels, tels que la peine capitale, sont condamnables et appartiennent à des temps révolus, quel que soit le pays qui les pratique. Ils doivent être condamnés par les gouvernements démocratiques et les organisations de défense de droits de l’homme. Téhéran est bien mal placé pour donner des leçons dans ce domaine : les ONG ont déploré 966 pendaisons pour la seule année 2015 en Iran et dénoncé le grand nombre de mineurs qui y sont exécutés. Sans parler des disparitions, des tortures des prisonniers politiques et la répression des minorités. Cette pratique du régime tient au caractère religieux du pouvoir qui l’anime. Pour un changement il faudrait abolir le «principe du pouvoir absolu du Guide suprême» inscrit dans le marbre de la Constitution iranienne et abolir la peine de mort (120 000 exécutions depuis 1979). C’est le message que nous devons faire entendre au président iranien qui sera à Paris les 27 et 28 janvier. Hassan Rohani est présenté dans les médias comme un président «modéré», sans avoir pu jusqu’à présent concrétiser aucune avancée dans le domaine du respect des droits de l’homme dans son pays. Depuis son élection il y a deux ans et demi, plus de 2 000 personnes ont été pendues sans que ce dernier ait jamais élevé la voix. Au contraire, il a justifié les pendaisons comme «conforme à la loi islamique». «Si quelqu’un commet un délit, il doit être poursuivi. Mais cela doit se faire dans le cadre de l’éthique et de la loi. […] Mais si quelqu’un est condamné à mort et se trouve devant la potence conformément à la loi, nous n’avons pas le droit de contester». (Agence officielle Tasnim, 19 avril 2014).

Saïd Boumedouha, adjoint pour le programme d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, avait exprimé sa consternation devant la frénésie des exécutions dans la République islamique en 2015 : «A ce rythme choquant, l’Iran va dépasser le nombre des exécutions recensées dans le pays pour toute l’année 2014. Ce pic brosse un tableau sinistre de l’appareil de l’Etat qui commet des meurtres à grande échelle. Les autorités iraniennes doivent avoir honte d’exécuter des centaines de personnes sans tenir compte de toute procédure légale à la base.» Le président François Hollande, qui recevra son homologue iranien, ne doit pas oublier de lui rappeler que la France a des principes et un prestige à faire valoir en tant que berceau de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Un discours rigoureux doit lui être tenu sur la question des droits et libertés pour faire comprendre que la France ne peut accepter les petits arrangements avec les principes fondamentaux dans ses relations avec son pays. C’est l’occasion pour les démocrates français de rappeler que les châtiments barbares appartiennent à une époque révolue. Que leur abolition doit être un préalable à toute discussion avec les pays qui les pratiquent. La société civile en Iran et l’opposition démocratique de ce pays ont le regard tourné sur la France. Nous devons leur montrer que nous ne sommes pas indifférents à leur combat pour les droits de l’homme et la démocratie.

Jean-Pierre Michel, ancien député et ancien sénateur, fondateur du Syndicat de la Magistrature et cofondateur du Comité français pour un Iran démocratique.

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