L’Italie appelle à un « Schengen de la défense »

Le résultat du référendum britannique et la succession d’attaques terroristes meurtrières alimentent un sentiment d’anxiété sans précédent en Europe. Si nous voulons contrecarrer la dérive populiste qui essaye de profiter de la situation pour mettre en avant les arguments antieuropéens, nous devons offrir des réponses efficaces aux préoccupations croissantes de nos citoyens, en commençant par la sécurité. L’une des réponses les plus pertinentes – à vrai dire assez peu présente dans le débat public – est celle qu’on peut donner sur le plan de la défense.

Si la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) nous prive d’un Etat membre doté de capacités militaires remarquables, il n’en reste pas moins qu’elle ouvre de nouvelles perspectives pour la défense commune. Sa relance nous permettrait non seulement de renforcer notre capacité opérationnelle dans les zones de crise et dans la lutte contre le terrorisme, et d’augmenter l’efficacité de nos ressources, mais également d’obtenir un impact politique important, en soulignant notre volonté d’appuyer concrètement le projet d’intégration.

La vision italienne indique deux voies qui mériteraient d’être explorées pour donner suite à ces réflexions. La première est la voie ordinaire, prévue par les dispositions des traités en vigueur. Il s’agirait – comme l’indique d’ailleurs la stratégie globale de l’UE adoptée en juin 2016 – de doter l’Union d’une autonomie d’action accrue, en renforçant le développement de nos capacités militaires communes, en stimulant la coopération entre les Etats membres et en renforçant l’industrie européenne de la défense, notamment les investissements dans la recherche et la technologie.

Il s’agirait également d’exploiter le potentiel inexprimé de certaines dispositions novatrices du traité de Lisbonne, y compris les articles 44 (missions effectuées par un groupe d’Etats membres pour le compte de toute l’UE) et 46 (coopération structurée permanente). L’Italie a participé et continuera de participer activement à toutes les discussions sur la mise en œuvre de ces clauses, dont l’utilisation concrète a longtemps été retardée par l’existence de sensibilités politiques très marquées aussi bien que de mécanismes décisionnels complexes.

Une option plus ambitieuse

Mais l’Italie invite également ses partenaires à entamer une discussion sur une option plus ambitieuse : le lancement par un groupe d’Etats membres d’une sorte d’Union pour la défense européenne. Cette initiative reposerait sur le constat que le débat traditionnel sur la politique de sécurité et de défense a produit jusqu’ici des résultats inférieurs aux attentes et que les événements extraordinaires qui caractérisent notre époque exigent des solutions tout aussi extraordinaires.

Dans l’optique de ce « Schengen de la défense », un groupe d’Etats membres pourrait accélérer son intégration dans le domaine de la défense, en mutualisant un certain nombre de capacités et de ressources, sur la base d’un modèle et d’un concept partagés et d’un accord constitutif qui en établirait les finalités ainsi que les modalités opérationnelles. Il ne s’agirait pas de créer une « armée européenne » regroupant la totalité des forces nationales des Etats participants mais plutôt de constituer une « force européenne multinationale » avec des fonctions et un mandat établis conjointement, dotée d’une structure de commandement et de mécanismes décisionnels et budgétaires communs. Les capacités et les forces ainsi développées et mutualisées seraient à la disposition non seulement de l’Union européenne pour ses missions militaires mais également de l’OTAN et des Nations unies.

Dans sa phase initiale, ce projet pourrait être porté par un groupe restreint de pays – dont les fondateurs de l’Union – pour ensuite être ouvert à l’adhésion de tous les Etats membres qui en partageraient l’objectif politique et la méthode novatrice, sur la base d’un schéma d’intégration « différenciée » qui est déjà appliqué au sein de l’UE dans différents secteurs. A terme, à l’instar d’autres initiatives qui ont vu le jour en dehors des institutions communes, l’objectif serait d’encourager la participation d’un grand nombre d’Etats membres pour incorporer cette initiative dans les traités, comme ce fut justement le cas avec les accords de Schengen.

Grâce à la force de sa tradition de grande attention aux exigences de l’Alliance atlantique et de ses relations avec les Etats-Unis, l’Italie serait également prête à s’employer à dissiper toute crainte de chevauchement ou de doubles emplois avec l’OTAN, qui au contraire pourrait à notre avis tirer un grand avantage de cette initiative.

Paolo Gentiloni (ministre des affaires étrangères italien) et Roberta Pinotti (ministre de la défense italien)

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