L’ONU doit prendre en charge l’éducation des réfugiés syriens

Il y a quelques semaines, j’ai rencontré un garçon de 12 ans dans un centre où s’entassaient des réfugiés syriens, à Beyrouth, au Liban. Cet enfant ne souhaitait ni fuir vers l’Europe ni vers les Etats-Unis. Il m’a dit que ce qu’il désirait le plus, c’était aller à l’école – n’importe quelle école, au Liban – et apprendre. Il m’a dit aussi qu’il voulait devenir ingénieur. « Pourquoi ce métier ? », lui ai-je demandé. Il a répondu sans hésiter : « Pour reconstruire mon pays. » C’est pour aider ce garçon et les 2 millions d’enfants réfugiés bloqués au Liban, en Turquie et en Jordanie que nous lançons notre plan, dont l’ambition est de ramener 1 million d’enfants dans les salles de classe.

Il y a quelques jours, sa fille de 4 ans, Abdelillah, sur les épaules, Abdoul Kader a été filmé en train d’essayer de vendre des stylos à bille à un carrefour dangereux de Beyrouth pour nourrir sa famille. Diffusée par le tweet d’un Norvégien, Gissur Simonarson, l’image a fait le tour du monde. En l’espace d’un jour ou deux, 100 000 livres sterling de dons destinés à aider Abdoul et sa famille ont été recueillis. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il comptait faire de cette richesse inespérée, l’intéressé a dit qu’il consacrerait la somme reçue à l’éducation de ses enfants et aussi à celle de leurs camarades.

Le sort tragique de ces deux Syriens vient nous rappeler ce que nous devrions déjà avoir compris, à savoir que, loin de chercher à vivre aux crochets de l’Europe, les milliers d’exilés syriens veulent désespérément retourner dans leur pays d’origine dès qu’ils y seront en sécurité. Surtout, ils prennent les décisions qui vont changer le cours de leur vie en fonction de ce qu’ils jugent bon pour leurs enfants.

Sentiment de désespoir

C’est en désespoir de cause, me disent-ils, qu’ils quittent leur foyer en Syrie et partent sur les chemins de l’exil. C’est ce même sentiment de désespoir qui les pousse, nombreux, à entreprendre de mortelles traversées sur les eaux dangereuses de la Méditerranée, à bord d’embarcations de fortune. La plupart d’entre eux préféreraient être en mesure de subvenir aux besoins de leurs enfants aussi près que possible de chez eux. L’ampleur des besoins qui se font sentir aux portes de la Syrie se mesure à l’aune du nombre de réfugiés qui vivent actuellement en Turquie, au Liban et en Jordanie – 4 millions, dont 2 millions d’enfants.

Notre objectif est d’aider 1 million d’enfants à sortir de la rue et à retrouver les bancs de l’école. Notre plan d’action est simple mais efficace : instaurer un système de classes alternées dans les écoles existantes.

Le matin et en début d’après-midi, les enfants libanais, turcs et jordaniens suivront les cours dans leurs classes. L’après-midi et en début de soirée, dans les mêmes salles, un enseignement sera dispensé aux enfants syriens. C’est la seule solution acceptable.

Sinon, c’est la vie de la rue, des filles réduites en esclavage, victimes de la traite pour être livrées à la prostitution ou mariées de force et précocement, sans cesse à la merci des extrémistes et des terroristes qui n’ont pas pour but de mettre fin à leurs souffrances, mais de les exploiter. Au cours de l’année écoulée, grâce aux donateurs internationaux du monde entier, 105 000 enfants réfugiés ont été scolarisés au Liban dans des établissements ayant adopté un système de classes alternées.

Pour le trimestre qui commence dans quelques jours, les fonds recueillis permettront de scolariser 140 000 enfants, mais le plan prévoit la prise en charge de 510  000 élèves au Liban, 215  000 au moins en Jordanie et plus de 400  000 en Turquie.

Un investissement rentable

Généralement, dans les situations d’urgence, on n’a ni bâtiments, ni installations, ni personnel, ni moyens. Or, dans aucun des trois pays on ne manque de salles de classe ou d’enseignants formés, qui sont pléthore dans la population locale et parmi les réfugiés syriens. C’est l’argent nécessaire pour les rémunérer qui fait défaut.

Pourtant, il s’agit d’un investissement rentable. Il suffit d’un peu plus de 500 dollars par an, soit une dizaine de dollars par enfant et par semaine, pour nous permettre de scolariser les enfants et donner aux familles la possibilité d’opter pour la solution qu’elles préfèrent, rester dans la région.

Dans le courant du mois, à New York, je demanderai à la communauté internationale − aux donateurs qui ont déjà montré leur générosité et à tous ceux qui sont prêts à faire de même – de débloquer immédiatement 250 millions de dollars pour compléter les 100 millions déjà levés pour le Liban. Sans cette somme, rien n’est possible. Il faut 250 millions de dollars pour l’éducation d’un million d’enfants.

« Pourquoi nous avez-vous abandonnés ? », m’a-t-on demandé dans le centre de réfugiés bondé de Beyrouth. Une seule chose comptait pour les mères qui étaient là, leurs enfants blottis contre elles, exilées pour certaines depuis trois ou quatre ans : savoir quand les enfants pourraient retourner à l’école. Les réfugiés ont besoin d’espoir. On dit qu’il est possible de survivre quarante jours sans nourriture, huit jours sans eau, huit minutes sans oxygène et une seule seconde sans espoir. L’éducation, en ce qu’elle représente la certitude de pouvoir planifier et préparer l’avenir, la vie après la crise, est le meilleur moyen de donner espoir.

A New York, les donateurs traditionnels et les nouveaux bailleurs de fonds devront unir leurs forces pour ouvrir les écoles à 1 million d’enfants. Ce seront autant de lueurs d’espoir dans une région du monde qui est devenue l’une des plus pauvres et des plus isolées, où les raisons d’espérer sont les plus rares (Traduit de l’anglais par Béatrice Octavie).

Gordon Brown, envoyé spécial des Nations unies pour l’éducation globale.

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