L'union bancaire ne peut plus attendre

Une fois encore, les élections allemandes semblent jouer un rôle déterminant dans la gestion de la crise européenne. En 2010, déjà, Angela Merkel avait bloqué toute intervention décisive en Grèce. Par crainte des électeurs de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la région la plus peuplée du pays, elle remit à plus tard l'inévitable plan d'assistance, aggravant ainsi la crise - et son prix pour la collectivité. Le scénario se répète cette année : le projet d'union bancaire, destiné à couper le lien malsain entre la dette des banques et celle des Etats, semble s'enliser. De nouveau, toute décision ambitieuse semble reportée à après les élections fédérales qui auront lieu fin septembre en Allemagne.

Voici un an déjà, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) décidaient de mettre en place l'union bancaire, c'est-à-dire un système intégré de supervision et de résolution des crises bancaires, accompagné en principe d'un système commun de garantie des dépôts. Cette union fut exigée par l'Allemagne comme condition préalable à la possibilité pour le mécanisme européen de stabilité (MES), fonds de secours commun de la zone euro, de recapitaliser directement les banques européennes en péril.

Pour la plupart des analystes - et nous partageons ce point de vue - la sous-capitalisation du système bancaire européen est devenue le problème le plus urgent en Europe. La faillite d'une seule grande banque systémique pourrait conduire à un nouvel effondrement financier, à un moment où les finances publiques des Etats membres - même du plus solide d'entre eux - ne permettraient plus d'assurer un sauvetage, si ce n'est au risque de provoquer la faillite des Etats eux-mêmes.

Jusqu'ici, la réponse a consisté à faire le gros dos : les banques évitent de reconnaître leurs créances douteuses, leurs superviseurs font semblant de ne pas le voir, par crainte d'une insolvabilité généralisée. Le maintien de cette attitude nous mène tout droit au scénario japonais, qui voit un système bancaire mort vivant incapable de financer de nouveaux projets.

Une union bancaire devrait nous permettre de mettre fin à ce cercle vicieux. Un superviseur européen aurait sans doute moins de difficultés qu'un superviseur national, souvent trop complaisant, à forcer les banques à faire le ménage dans leurs bilans. Et si cela devait mener certains établissements à devenir insolvables, une autorité européenne de résolution bancaire, telle que proposée il y a une semaine par la Commission européenne, aurait sans doute moins d'états d'âme à forcer une restructuration de celles-ci. Par ailleurs, l'existence d'un système européen de garantie des dépôts devrait rassurer les déposants et éviter toute panique.

Mais alors que la chancelière Merkel apparaissait il y a un an comme la plus ardente partisane de cette union bancaire, les douze mois qui se sont écoulés ont donné une autre image de l'Allemagne. Dès le mois de juillet se sont manifestées les réserves, les doutes, qui se sont ensuite traduits dans les couloirs du Conseil par une guerre de retardement.

Est-ce par ignorance ou par arrogance que les dirigeants allemands actuels refusent de voir qu'une telle union bancaire serait aussi bénéfique pour leur pays ? Faut-il leur rappeler que les trois banques européennes les plus endettées ne sont pas espagnoles ou italiennes, mais bien allemandes ? Une fois de plus et contre toute évidence, dans le débat allemand, un mécanisme européen de mutualisation des risques bancaires est présenté comme un transfert financier permanent des citoyens allemands, sérieux et responsables, vers leurs confrères du Sud, réputés dépensiers et irresponsables.

Une fois de plus, confrontée à une élection qu'elle aborde en position de force, Angela Merkel renie ses promesses et remet aux calendes grecques le projet crucial d'union bancaire. Pas question pour elle d'un système européen de garantie des dépôts, qu'elle voit comme un hold-up de l'épargne allemande. Pas question non plus d'un mécanisme commun de gestion des crises bancaires, ou après une hypothétique révision des traités. La seule chose qu'elle semble prête à accepter est de confier à la Banque centrale européenne (BCE) la supervision d'une trentaine des 1 500 banques allemandes, certes les plus importantes.

La chancelière ne renie pas seulement ses promesses, elle manque à son devoir de dirigeante européenne en laissant tomber les citoyens européens des pays en crise. Chaque trimestre, l'économie européenne s'enfonce plus profondément dans le marasme. Chaque mois, des dizaines de milliers d'européens tombent dans le chômage, la précarité et la pauvreté. Il s'agit véritablement d'une bombe sociale à retardement, qui, combinée aux risques environnementaux, menace la cohésion de nos sociétés. Relever ces deux défis majeurs exige une mobilisation massive des investissements publics et privés. Celle-ci est impossible tant que nous n'aurons pas restauré la confiance dans la santé et la stabilité de notre système financier.

En temps normal, on serait tenté de dire qu'il suffit de tenir encore dix semaines et qu'une alternance politique à Berlin y amènera au pouvoir des dirigeants plus sages et plus courageux. Mais avant qu'une nouvelle coalition soit opérationnelle à Berlin, plusieurs mois précieux se seront encore écoulés, nous rapprochant de l'échéance des élections européennes, lesquelles risquent de ralentir le processus décisionnel à Bruxelles dès le printemps 2014.

Peut-on parier que, d'ici là, aucun choc majeur ne viendra mettre à mal le système financier européen ? Le risque est trop grand et c'est pourquoi il est capital que, dès aujourd'hui, la chancelière cesse de bloquer l'adoption, d'ici décembre au plus tard, des mécanismes communs de supervision et de résolution des crises bancaires ainsi que l'harmonisation des systèmes de garantie des dépôts. Nous n'avons plus une minute à perdre.

Sven Giegold, Philippe Lamberts, Jean-Paul Besset et Eva Joly, eurodéputés Verts, membres de la commission des affaires économiques et monétaires.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *