L'urgence est à l'aide humanitaire et aux efforts de paix, pas aux livraisons d'armes

Alors que les combats se poursuivent en Syrie, où plus de 80 000 personnes ont déjà trouvé la mort depuis le début du conflit il y a deux ans, l'urgence humanitaire se fait chaque jour plus grave et plus pressante. A l'intérieur même du pays, plus de 4 millions de personnes sont désormais déplacées et le nombre de réfugiés a doublé au cours des trois premiers mois de l'année pour atteindre désormais plus d'un million et demi de personnes. Les températures dans la région vont atteindre plus de 40°c dans les semaines à venir, augmentant les risques sanitaires pour les réfugiés syriens, en particulier les plus vulnérables (personnes âgées, les femmes et les enfants).

Dans un campement de tentes de Balqa-Ouest en Jordanie, les équipes d'Oxfam ont relevé que certains enfants ne pouvaient prendre un bain qu'une fois tous les dix jours. De fait, nous constatons déjà une augmentation des infections de la peau, particulièrement chez les jeunes enfants, et les risques de diarrhées sont croissants.

Le financement de la réponse humanitaire à ces besoins urgents demeurant insuffisant, l'accès aux populations vulnérables en Syrie demeure particulièrement problématique : les contraintes sécuritaires continuent de freiner la libre circulation des biens et personnels humanitaires qui visent à apporter une aide vitale. Dans ce contexte, la relance du processus politique et la perspective de la tenue d'ici quelques jours du sommet pour la paix (Genève II), soutenu activement par les Etats-Unis et la Russie, constitue une réelle lueur d'espoir pour les populations civiles victimes de ce conflit : celle-ci est certes fragile mais constitue néanmoins la principale chance depuis de longs mois de progresser vers une solution politique négociée du conflit et, peut-être, vers la mise en place d'un cessez-le-feu qui permettra aux organisations humanitaires d'accéder à ces plus de sept millions de Syriens qui ont besoin d'aide à l'intérieur du pays.

En décidant de ne pas reconduire formellement son embargo sur les armes à destination de la Syrie, l'Union européenne, notamment sous l'impulsion de la France et de la Grande-Bretagne, a envoyé un message brouillé aux belligérants : souhaitent-ils réellement accorder la priorité au processus politique, ou bien relancer une course aux armements et pousser la Russie et l'Iran à livrer toujours plus d'armes au gouvernement syrien et, in fine, provoquer davantage de victimes et retarder la conclusion d'un accord ?

VIOLATION DE SES ENGAGEMENTS

Compte-tenu de la nature divisée des groupes d'opposition, de la quasi impossibilité de contrôler in situ si les armes transférées seront utilisées pour commettre des violations, des rapports et témoignages sur les exactions commises par l'ensemble des protagonistes et les détournement des armes et munitions, il y a de graves risques que les armes soient utilisées pour commettre des violations des droits humains, avec probablement de nouvelles conséquences humanitaires désastreuses.

La France pourrait alors se retrouver en totale violation de ses engagements au regard de la position commune de l'Union européenne sur les exportations d'armements, qui continue de s'imposer aux Etats membres malgré la levée de l'embargo. Et comment la France pourrait-elle défendre de tels transferts d'armes alors que Laurent Fabius est attendu à New-York le 3 juin pour signer le Traité sur le commerce des armes (TCA) que la France a coparrainé aux Nations unies ?

L'urgence politique qui s'impose n'est donc pas la livraison effrénée et incontrôlée de davantage d'armes qui prolongeraient et exacerberaient le conflit, aggravant encore la crise humanitaire, et alimenteraient les diverses violations du droit international humanitaire sur le terrain, mais bien d'exercer les pressions nécessaires sur les parties au conflit afin que les civils puissent être davantage en sécurité et bénéficier de l'aide dont ils ont urgemment besoin.

Cela passe d'abord par un arrêt de tous les transferts internationaux d'armes à destination de toutes les parties au conflit syrien : Laurent Fabius serait bien inspiré de le clamer haut et fort dès lundi prochain à New-York. Il pourrait également indiquer en signant le TCA que la France intégrera rapidement en droit interne cette règle simple : les transferts d'armes ne doivent pas être autorisés lorsqu'il y a un risque majeur que ces armes soient utilisées afin de commettre des violations des droits humains ou du droit international humanitaire.

Nicolas Vercken, responsable de plaidoyer Conflits et humanitaire, Oxfam.

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