Malgré les progrès, le virus du Sida sévit toujours

En 2000, prenant conscience de la mutation accélérée des systèmes socio-économiques au niveau mondial et de ses effets pervers sur les populations les plus vulnérables, la communauté internationale s'accordait sur les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Quatorze ans plus tard, malgré les défis qui restent à relever, force est de constater que des progrès remarquables ont été accomplis pour la réalisation des OMD grâce aux nombreuses actions engagées de par le monde en faveur du développement humain et de la réduction de la pauvreté. À 500 jours de leur échéance, il est important de prendre acte de la mobilisation mondiale autour de ces objectifs dont l'une des meilleures illustrations est l'efficace partenariat international quant à la cible 1 de l'OMD 6, la lutte contre le VIH/sida.

Globalement, ce partenariat international a permis d'éviter 7,6 millions de morts depuis le début de l'épidémie, d'obtenir une réduction de 38 % des nouvelles infections depuis 2001 et de mettre près de 12,9 millions de personnes vivant avec le VIH sous traitement en 2013.

Il y a plus d'une décennie, le traitement du sida coûtait 15 000 dollars par an et par personne, ce qui en rendait l'accès quasi impossible aux populations des pays les plus pauvres. Aujourd'hui, dans plusieurs de ces pays, le traitement coûte environ 130 dollars par an et par personne. Les patients ne prennent plus 18 comprimés journaliers comme il y a dix ans, mais un seul. La peur et la discrimination ont reculé et les services de santé ont été renforcés. La société civile s'est mobilisée massivement pour démocratiser l'accès à la prévention et aux traitements.

Ces avancées spectaculaires sont le résultat de l'engagement déterminé et continu, politique et financier, d'un nombre important de pays, de l'implication des populations concernées au travers d'organisations locales ou à base communautaire, du dynamisme de la communauté scientifique qui innove constamment, alliés à l'expertise et l'engagement d'organisations internationales telles que l'ONUSIDA, le Fonds Mondial ou encore le PEPFAR. Le suivi annuel rigoureux effectué par l'Assemblée Générale des Nations Unies sur la base de données de qualité et le rôle clé du secrétaire général des Nations-Unies, M. Ban Ki-Moon, sont également à souligner.

Dans le contexte économique mondial morose que nous traversons, il faut noter l'investissement global de 19 milliards de dollars en 2013 en faveur de la lutte contre le sida, dont plus de 50 % proviennent de ressources domestiques des pays à faibles revenus. Alors qu'en 1996, nous ne disposions que de 300 millions de dollars. L'incroyable élan de responsabilité partagée et de solidarité globale de l'ensemble de la communauté politique, financière, industrielle, scientifique ainsi que de la société civile ne doit cependant pas dissimuler la réalité : le VIH/sida est toujours là. Sur les 35 millions de personnes qui vivent avec le virus dans le monde, 19 millions ne connaissent pas leur séropositivité. L'objectif ambitieux de mettre fin à l'épidémie du VIH/sida comme menace de santé publique d'ici à 2030 est à notre portée. Plus qu'un objectif, c'est un devoir dont chaque leader doit se saisir pour en faire une réalité en termes de droits humains fondamentaux.

Cela nécessitera une action coordonnée, convergente et urgente envers les pays et en faveur des populations les plus affectées dans chacun d'entre eux. Nous avons une obligation morale de ne pas laisser pour compte les plus démunis, les marginalisés et les stigmatisés. Les personnes qui s'injectent de la drogue, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, les professionnels du sexe, les jeunes femmes, victimes de viol et de violences, les personnes incarcérées ainsi que les personnes migrantes, doivent être au centre de nos actions. Nous n'irons pas vers la fin de l'épidémie en délaissant « l'accès universel » et en lui substituant des « obstacles universels » qui continuent à obliger les populations clés à se cacher.

Nous avons une « fenêtre » de cinq ans, très courte, pour définitivement briser la trajectoire des nouvelles infections et espérer un contrôle de l'épidémie d'ici à 2030. C'est pourquoi l'ONUSIDA a récemment appelé le monde à adopter l'objectif « 90-90-90» d'ici à 2020 : 90 % des personnes séropositives connaissant leur statut sérologique, 90 % de personnes séropositives recevant des traitements antirétroviraux et 90 % des personnes sous traitements antirétroviraux ayant une suppression virale durable. Poursuivre cet objectif est un impératif moral et économique qui permettra de sauver des millions de vies dans la perspective de générations futures sans sida et avec un retour sur investissement sans précédent. La seule façon d'y parvenir est d'adopter des approches non coercitives et des mesures inclusives garantissant à tous un accès aisé à l'éducation et l'information, à la prévention et aux traitements.

La stabilité, la paix et la prospérité sont au cœur des débats actuels pour la définition et l'adoption des futurs objectifs de développement durable (ODD). Sans une prise en compte des principes de solidarité, de justice sociale et d'égalité, nous ne pourrons envisager un avenir meilleur dans le respect des droits les plus fondamentaux. À ce titre, la France, pays ayant inspiré la déclaration universelle des droits de l'Homme, a un rôle majeur à tenir. En mettant la santé au cœur de sa diplomatie, elle demeure un acteur essentiel du développement international. Dans l'arène de la lutte contre les grandes pandémies, en particulier le VIH/sida, son leadership s'est de tout temps traduit par des mesures fortes soutenues par des engagements financiers conséquents et innovants. Plus que jamais, la France a la légitimité pour s'assurer que la communauté internationale, dans un élan commun, ne relâche pas ses efforts pour contrôler ce terrible fléau.

Par Michel Sidibé, Directeur exécutif de l’ONUSIDA Secrétaire général adjoint des Nations Unies.

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