Malgré les signes d’ouverture, l’Iran de Rohani exécute à tour de bras

Alors que le régime iranien renoue avec la communauté internationale sur le dossier nucléaire avec l’accord de Genève, il intensifie la répression interne. Depuis le 14 juin 2013, date de l’élection du président Hassan Rohani, 316 prisonniers ont été pendus selon les sources de l’ONU. Ces exécutions n’ont pas suscité une réaction forte de la communauté ­inter­nationale et des médias occidentaux concentrés – non sans raison – un peu trop sur le programme nucléaire de la République isla­mique.

Au cours des dernières semaines, 58 personnes ont été exécutées. Trois jeunes Kurdes dans ce groupe ont été exécutés pour le «crime» d’«hostilité contre Dieu», invention d’un système juridique rétrograde qui peut être invoquée à tout moment et contre toute personne qui n’adhère pas aux principes du régime islamique. En Iran, critiquer le guide suprême Ali Khamenei ou le régime en répondant par exemple aux questions d’un média étranger peut être considéré comme un crime d’«hostilité contre Dieu» et il est passible de la peine de mort. Il faut rappeler que depuis 1979, le régime a exécuté 40 000 prisonniers.

Cependant, les exécutions qui ont eu lieu après l’élection d’Hassan Rohani concernent majoritairement les membres des minorités ethniques kurde, baloutche, azérie et arabe. Les 58 personnes exécutées appartiennent à ces minorités. Cette «nouveauté» met en évidence le rôle de la force des Gardiens de la révolution islamique, les pasdarans, qui dominent l’économie de l’Iran depuis la révolution islamique de 1979. Depuis la dernière élection présidentielle, les pasdarans multiplient les provocations au Kurdistan et au Baloutchistan iranien. Par exemple, une cinquantaine de frontaliers kurdes ont été tués par les forces des pasdarans de manière indiscriminée.

Ce faisant, les pasdarans chercheraient à créer une certaine instabilité qui leur permettrait de garder leurs privilèges et positions économiques. En fait, les pasdarans contrôlent 70% du marché du pétrole iranien et gèrent également la puissante fondation de «Bunyad», qui distribue l’argent aux démunis et aux milices bassidjis. De l’autre côté, cette instabilité leur permettrait de renforcer leur position au sein du nouveau gouvernement. Les exécutions récentes visant les groupes ethniques ne font que renforcer cette situation.

L’Iran est très durement frappé par les sanctions internationales visant son programme nucléaire secret. La situation a été jugée «catastrophique» par Hassan Rohani lors de sa campagne présidentielle. Le soutien iranien au régime de Bachar el-Assad lui coûte également très cher en hommes et en argent. L’élection du nouveau président et ses «ouvertures» doivent être mises en rapport avec la tentative du régime islamique de sortir d’une situation économique catastrophique et d’un isolement international.

Il faut rappeler que le guide suprême Ali Khamenei est responsable de toutes les forces armées et détient le droit de veto sur toutes les décisions du président et du parlement iranien. Comme le rappelle constamment le grand spécialiste de l’Iran Mohammad-Reza Djalili, le système islamique est caractérisé par des divisions profondes et des rivalités entre diverses factions cléricales. Il souligne que le système islamique a eu l’intelligence d’intégrer en son sein ces différentes forces et personnalités qui lui permettent d’avoir une «pluralité de façade», de neutraliser les rivalités dans le ­système et d’avoir un choix relativement important en ce qui concerne le profil du président. Dans tous les dossiers importants, la décision finale appartient exclusivement au guide et qui a le choix, selon les nécessités du moment, entre un président souriant comme Rohani ou menaçant comme Mahmoud Ahmadinejad.

Pour les peuples d’Iran, la propagande du régime autour de la question de l’ouverture, des réformes et du dialogue avec l’Occident n’est que manœuvres cosmétiques et politiques pour tromper l’opinion publique internationale, comme l’ont fait auparavant les anciens présidents Hachemi Rafsandjani et Mohammad Khatami.

Quant à la communauté internationale, comme toujours, elle semble obnubilée par le programme nucléaire et ignore, comme le prouve son inaction face aux exécutions récentes, les graves violations des droits de l’homme en Iran. Ceci malgré tous les signaux d’alarme émis par l’ONU, notamment par son rapporteur spécial pour la situation des droits humains en Iran. Lors de la 68e session de l’Assemblée générale du 23 octobre à New York, celui-ci a présenté un rapport accablant sur les exécutions.

Oui, il faut prendre au sérieux le programme nucléaire iranien, oui, il faut répondre à la main tendue et aux sourires de M. Rohani, mais cela ne devrait pas être une raison pour fermer les yeux sur les violations des droits humains, les exécutions par pendaison, par lapidation, par injection, par balle des jeunes Iraniens.

Taimoor Aliassi, représentant à l’ONU de l’Association pour les droits humains au Kurdistan d’Iran-Genève

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