Manchester tient bon

Au lendemain de l’attentat qui a frappé Manchester, mon téléphone vibre sans cesse sous l’afflux des messages que m’adressent des proches pour s’assurer que je vais bien. Le monde et la ville que j’habite me semblent étranges, transformés par le choc des événements. Sur les réseaux sociaux, des amis partagent des informations : qui contacter si vous avez besoin d’aide, ou encore où donner son sang. La réaction immédiate est la sollicitude. C’est un jour triste, mais où l’on ressent beaucoup d’amour.

Le Manchester numérique tel qu’il existe sur les réseaux sociaux témoigne de la force des liens qui nous unissent. Ne touchez qu’à un seul fil de ce tissu et vous verrez comment il résiste, chacun se précipitant pour réparer la brisure. Les informations sur les événements tombent au compte-gouttes et sont toutes suivies par de nouveaux élans de solidarité à l’égard des victimes. Je suis endeuillé, mais je suis incroyablement fier que Manchester soit ma ville.

Manchester tient bon

Dans le centre-ville, règne un sentiment de vulnérabilité. Ce n’est pas un jour normal et ce ne doit pas en être un. On le ressent bien. Il y a le contrecoup, une présence accrue des policiers, une plus grande surveillance, et un certain malaise s’est emparé de la ville. Mais les Mancuniens ne désertent pas les rues. Manchester tient bon.

Un musicien de rue nous incite à nous aimer les uns les autres. Des gens prennent un bain de soleil à Piccadilly Gardens. Les trams vont et viennent, comme d’habitude. Cette occupation des avenues de la ville est un témoignage de plus, démontrant que la ville ne s’est pas effondrée.

Certes, l’ambiance n’est pas la même que d’habitude et le cours de la vie s’est ralenti, mais nous sommes soudés les uns aux autres. Manchester a des racines profondes. C’est une ville qui recouvre plusieurs couches d’histoire. A côté de tours d’acier et de verre, moins vieilles que je ne le suis moi-même, se dressent des maisons de briques et de pierres. Au détour de rues sinueuses, on découvre des églises et des squares cachés.

Ma ville est riche et dense des habitants qui y vivent ensemble. Ce sont eux qui font tenir Manchester, qui en ont fait les plus belles heures.

Sous le choc

Notre ville a vu naître la suffragette Emmeline Pankhurst, a connu le mathématicien et cryptologue Alan Turing, mais aussi un fort mouvement coopératif. Sur Canal Street se retrouve une vibrante communauté gay, tandis que sur le « Curry Mile » de Wilmslow Road, les restaurants indiens et pakistanais, mais aussi du monde entier, grouillent d’une clientèle bigarrée. Manchester est plusieurs choses à la fois.

Notre force vient des diverses façons que nous avons d’être liés les uns aux autres. Nous avons déjà vécu ce genre d’émotions, plusieurs fois, nous avons déjà été secoués, mais les rivières, les briques et les pierres n’ont pas bougé. Dépasser ces moments difficiles est un test qui ne fait que nous rendre plus forts. Manchester y parviendra. Manchester continuera de faire grandir des gens extraordinaires capables de changer le monde. Manchester veillera sur les siens comme elle l’a toujours fait.

Une veillée a été organisée le 23 mai à Albert Square, en face de l’hôtel de ville. J’ai déjà assisté à divers rassemblements à cet endroit. Ce ne sera pas le dernier. Les places de Manchester ont l’habitude des réunions de contestation ou de célébration. Le 23 mai, au lendemain de l’attentat, nous voulions témoigner de notre solidarité.

Un étranger de passage ici remarquera peut-être d’abord l’architecture, mais les Mancuniens savent que notre ville repose d’abord sur notre manière de l’habiter. Manchester est sous le choc, mais reste le fruit de nos efforts communs. Nous veillerons à la préserver.

Une ville unie

Manchester crée. C’est un fait. Notre histoire est marquée par la science, la technologie et les arts. Ce n’est pas un hasard si notre histoire politique en est une d’action collective et d’union. Déambuler dans le centre-ville vous fera croiser plusieurs images évoquant des héros populaires. Ceux qui se sont illustrés l’ont fait en se hissant sur les épaules de tous les autres qui ont contribué à la grandeur de notre ville avant eux. Ce passé vit toujours aujourd’hui et continuera à le faire encore longtemps. Manchester est habitée d’une grande fierté, traduite en acte par tout ce que nous avons réalisé. Nous sommes une ville unie et où l’on agit ensemble.

L’histoire de cette ville est pour nous un socle solide sur lequel construire l’avenir, un exemple à suivre. Le grand âge de Manchester confère à notre jeunesse un fort sentiment d’appartenance. La culture et la vie en société ne sont pas que pour ceux qui créent, mais aussi pour ceux qui héritent du passé.

Chaque semaine, il y aura trop de spectacles, d’expositions, de pièces de théâtre, de concerts et de manifestations littéraires pour que l’on arrive à les dénombrer. Il faut aussi être fier des débats et des contestations qu’accueille Manchester.

La jeunesse de Manchester n’ignore pas ce que l’on attend d’elle. Nous constituons la somme de tout ce qui a existé avant nous, nous le voyons dans les rues de la ville et à travers les gens qui les ont fréquentées avant nous. Les jeunes de Manchester ne restent pas à rien faire, ils travaillent à créer le monde qu’ils souhaitent habiter. Ne croyez pas que la jeunesse est faible et vulnérable. Nous sommes pleins de vie et d’amour et rien ne nous divisera.

James Varney, né en 1982, est un artiste, dramaturge et écrivain de Manchester. Il collabore en tant que critique à diverses publications consacrées au théâtre. Il dirige également des ateliers d’écriture pour des auteurs entre 16 et 21 ans. Ces ateliers reçoivent le soutien du Festival de littérature de Manchester et de la Writing Squad, une organisation qui promeut les jeunes écrivains du nord de l’Angleterre.
Traduit de l’anglais par Marc-Olivier Bherer.

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