Mercenaires africains en Irak, un business lucratif

L’aide américaine à l’Afrique a des aspects préoccupants. En effet, les Etats-Unis ont besoin d’étrangers sans lesquels leurs guerres ne seraient pas possibles à ce niveau de déploiement de forces militaires. Le journal East African rapporte que des milliers d’Ougandais et de Kényans travaillent pour le compte d’entreprises de sécurité américaines payés par l’armée américaine, dont les soldats, rappelons-le, sont des volontaires. Ces entreprises auraient recruté, depuis la «guerre contre le terrorisme» initiée par George W. Bush, 1 million d’étrangers pour l’Irak et 1,5 million pour l’Afghanistan, qui travaillent comme gardes du corps, chauffeurs, mécaniciens, cuisiniers, et même gestionnaires. Officiellement, ils ne combattent pas. La majorité sont Ougandais et Kényans parce qu’ils parlent l’anglais, ont une formation suffisante et sont souvent d’anciens militaires à la retraite. Depuis l’invasion de l’Irak en 2003, le Département de la défense américain aurait payé 100 milliards de dollars aux entreprises de recrutement de ces «mercenaires» modernes.

En juin 2009, il y avait 11 580 étrangers armés (principalement des Africains de l’Est) et 54 768 étrangers non armés, sur un total de 193 000 personnes assurant la sécurité en Iraq. Aux dires d’un Ougandais, ils seraient souvent détestés par les Irakiens. Et que gagnent-ils? Les Américains, 12 000 dollars par an, les Sud-Africains, 7000 parce qu’ils sont bien formés militairement, les Ougandais et les Kényans entre 400 et 500 dollars en moyenne. Ces entreprises affirment offrir de bonnes prestations à leurs employés africains, «nourris et logés», qui gagneraient beaucoup moins dans leur pays et qui surtout en font profiter leurs familles. En effet, après quelques années, ils rentrent chez eux, aident leurs familles et fondent leurs propres entreprises de recrutement pour les Américains. Mais s’ils ne trouvent pas de travail, ils peuvent devenir potentiellement dangereux et commettre des actes de brigandages ou de rébellion. Le président ougandais, Yoweri Museweni, qui avait soutenu l’invasion de l’Irak par les Américains, serait très content. En effet, selon son ancien ministre du travail, Mwesigwa Rukutana (maintenant ministre de l’Education), ce business rapporte 90 millions de dollars par an, alors que l’exportation principale du pays, le café, n’en rapporte que 70! Et l’Institut d’Etudes politiques de Washington pense que cela ira en augmentant.

Quatre agences américaines sont aussi installées en Afrique, payées par le Département d’Etat américain qui alloue à chacune 375 millions de dollars pour entraîner, construire et donner un soutien logistique aux forces militaires de la République démocratique du Congo, du Soudan, du Liberia, de la Sierra Leone, et d’autres. Cette initiative appelée Africap (Africa Peace Keeping Programme) a pour but de «promouvoir la paix en prévenant et en résolvant les conflits». Dyncorp, une des quatre agences américaines en Afrique, est très fière d’avoir travaillé avec des troupes ougandaises et burundaises dans le cadre de l’Union africaine en Somalie.

Il est inquiétant de constater que les Africains sont de plus en plus militarisés partout sur le continent pour servir les intérêts de nouvelles idéologies: le fondamentalisme musulman dans la Corne de l’Afrique (conséquence de l’invasion américaine de l’Irak), et la présence militaire américaine grandissante sur le continent. A cela s’ajoute l’importante percée commerciale et économique de la Chine à la recherche de ressources minières (uranium et pétrole) et ses milliers d’ouvriers sur les chantiers qu’elle finance. Et maintenant, c’est la braderie des terres vierges: la vente ou la location de millions d’hectares par certains chefs d’Etat et chefs coutumiers à des gouvernements étrangers (Arabie saoudite, Corée du Sud, Libye, Egypte et d’autres) ou à des multinationales agroalimentaires, avec leurs tonnes de pesticides et herbicides. La société suisse Addax Bioenergy a obtenu du gouvernement de Sierra Leone une concession de 20 000 hectares pour cultiver de la canne à sucre en vue de produire de l’éthanol pour le marché européen. Des petits paysans seront délocalisés, quelques emplois seraient assurés, paraît-il, et on ne sait pas ce que deviendront les eaux polluées.

La survie économique des Etats-Unis, de la Chine, et d’autres pays ainsi que le pain quotidien des voitures passe par une Afrique de plus en plus bradée, hommes et terres, aux plus offrants. Pauvre Afrique!

Christine von Garnier, du Réseau Foi et Justice Afrique-Europe.